Un orang-outan de Sumatra intrigue les scientifiques après avoir été observé en train d’appliquer une plante médicinale sur sa blessure, une première dans le monde animal.
L’incident de Rakus, l’orang-outan soigneur
Dans le parc national de Gunung Leuser, à Sumatra en Indonésie, une scène inhabituelle a captivé l’attention des primatologues. Rakus, un orang-outan sauvage âgé d’une trentaine d’années, a été surpris en train de soigner une plaie faciale. Selon le rapport publié dans la revue Scientific Reports, Rakus a concocté un remède à partir d’une plante locale à l’histoire médicinale riche. C’est la première fois qu’un tel comportement est observé chez un grand singe à l’état sauvage.
Rakus a subi une blessure au visage, probablement causée par un combat avec un autre mâle, selon Isabelle Laumer, primatologue à l’Institut allemand Max Planck et première auteure de l’étude. En réponse à cette blessure, trois jours plus tard, Rakus a été observé en train de mâcher des feuilles d’une liane locale connue sous le nom d’Akar Kuning. Au lieu de l’avaler, il a appliqué la pulpe de la liane sur sa plaie, recouvrant entièrement la blessure. À peine deux semaines après, la plaie a laissé place à une cicatrice discrète.
Le rôle de la pharmacopée traditionnelle
La Fibraurea tinctoria, souvent appelée Akar Kuning, n’est pas un remède inconnu dans la région. En effet, cette plante fait partie intégrante de la pharmacopée traditionnelle locale, des pays d’Asie du Sud-Est à la Chine. Elle est réputée pour son rôle traditionnel dans le traitement de diverses affections grâce à ses propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires.
Dans un contexte plus large, ce cas donne un nouvel élan à la théorie selon laquelle une forme d’auto-médication pourrait exister chez les animaux. Si cette théorie était confirmée par d’autres observations, elle fournirait un nouvel éclairage sur les comportements des primates, notamment leur capacité à utiliser des ressources de leur environnement pour leur bien-être.
L’hypothèse de l’innovation individuelle
La nature du comportement observé chez Rakus soulève toutefois des questions importantes. Était-ce une coïncidence ou un acte délibéré? Dr Caroline Schuppli, co-autrice de l’étude, évoque l’hypothèse d’une « innovation individuelle », c’est-à-dire un comportement spontané qui serait né d’une coïncidence. Rakus pourrait avoir expérimenté par hasard les effets de la plante sur sa blessure après avoir porté ses doigts à la bouche. Les effets analgésiques de la plante auraient ensuite incité l’orang-outan à répéter l’opération.
Cette étude laisse envisager que les jeunes orang-outans mâles, qui quittent leur région natale après la puberté, pourraient perpétuer de tels comportements. Le fait que ce comportement n’a pas été précédemment observé localement renforce cette possibilité.
Qu’indique ce comportement sur nos ancêtres communs ?
Ce comportement auto-soignant observé chez un orang-outan amène à se questionner sur nos ancêtres communs. Selon la Dr Schuppli, le fait que les primates soient capables d’appliquer activement un remède sur une blessure suggère que « notre dernier ancêtre commun utilisait déjà des formes semblables de traitement à l’aide de pommades ».
Au-delà des résultats fascinants de cette étude, une question majeure demeure : cette observation est-elle une exception, ou est-elle la preuve d’une pratique plus courante parmi les primates?