Au même titre que l’huile et le poivre, voire que le sel ou l’ail, le vinaigre est un condiment qu’on utilise souvent en cuisine ou à table. Pourtant, aussi fou que cela puisse paraître, les grandes surfaces françaises regorgent de vinaigres peu reluisants. C’est à peine si l’on en trouve d’assez bons, par exemple sous des marques également connues pour cornichons et moutardes. Des maisons plus confidentielles importent des bouteilles d’une qualité supérieure, mais elles sont plus chères et moins faciles à trouver. Les plus chanceux pourront bien sûr trouver en Espagne d’excellents vinaigres de Xérès… mais le commun des Français sera plus volontiers tenté de faire son propre vinaigre.
Qu’est-ce que le vinaigre ?
En soi, le vinaigre est un condiment alcoolisé. On utilise le vinaigre blanc pour le ménage (par exemple), tandis que le cidre peut très bien donner du vinaigre. Aujourd’hui, nous parlerons plus volontiers du « vinaigre de vin », tel qu’il peut être fabriqué à Orléans ou Jerez. Il faut cependant savoir que le vinaigre de Jerez, dont les saveurs sont universellement vantées à travers le monde, ne se contente pas des stricts abords de la ville andalouse de Jerez de la Frontera. Sur ses 10 500 hectares de raisins et 2 800 producteurs, certains ne sont pas loin de Cadix voire de Cordoue. Mais il ne s’agit pas que de vinaigre : il y aussi de très réputés vins d’Espagne, qui s’appellent olorosos ou encore finos.
Sachez qu’il n’y a pas que le vin concernant le sujet qui nous intéresse aujourd’hui. On peut en effet faire du vinaigre avec beaucoup de choses :
Les cépages cultivés ont leur importance. Pour le xérès, on privilégie le pedro ximénez, le muscat et la palomino fino. Seules les grappes très mûres sont (théoriquement) sélectionnées, avant d’être séchées à la chaleur du soleil pendant 24 à 48 heures. Une méthode impossible dans des régions trop septentrionales bien sûr. Ensuite, c’est la maturation qui fait la spécificité du vinaigre : le futur vin est placé pendant au moins six mois dans des fûts de chêne où il reste de l’air, ce qui a pour dessein de donner du vinaigre par la formation des levures (le « voile ») à la surface du liquide. C’est en fait un lent phénomène d’oxydation et, d’une certain façon, un vin raté. Le taux d’alcool est réglementé et doit être inférieur à 3 % pour le vinaigre.
Faire son propre vinaigre
Vous aurez bien du mal à faire chez vous un vinaigre de vin qui soit au niveau des meilleurs xérès capables de vieillir plusieurs décennies. Il est cependant possible de s’amuser un peu et d’obtenir des résultats assez savoureux. Pour cela, l’essentiel est de partir de vin rouge de qualité, sans bien sûr gâcher une bonne bouteille. L’autre arme qui vous sera nécessaire est le vinaigrier, cette espèce de jarre à robinet qui a des allures d’amphore. Entre 30 et 130 €, vous trouverez des choses intéressantes. Les modèles les moins onéreux sont généralement en grès ou céramique ; il est toutefois recommandé d’en choisir un en chêne. Comme à Jerez ou Bordeaux, cela influence le développement et le goût du liquide. Les tailles les plus courantes vont de 1,5 à 5 l. On peut aussi fabriquer soi-même cet ustensile (éventuellement en verre).
La suite est très simple : versez dans le vinaigrier (sans le remplir, loin s’en faut !) 75 % de vin rouge n’ayant pas trop vieilli (le plus jeune possible) pour 25 % de vinaigre déjà fait (les fois suivantes, vous pourrez donc réutiliser votre propre vinaigre). La mère du vinaigre se formera au bout d’un mois environ à 18-20 °C, en veillant bien à ce que l’air puisse passer. Vous pouvez utiliser du tissu pour boucher, simplement afin d’éviter l’arrivée d’insectes ou poussières. Cette étape peut également se faire en dehors du vinaigrier.
Les explications paraîtront peut-être plus claires avec une vidéo :
Une fois la mère solidement formée et placée dans le vinaigrier, vous pouvez remplir à fond ce dernier. Un à deux mois plus tard, votre vinaigre devrait être mûr ! Vous n’aurez qu’à remettre du vin au fur et à mesure que le niveau descend. Surtout, ne videz jamais complètement le vinaigrier, sans quoi il faudra tout recommencer.