Les statistiques se manipulent volontiers selon le point de vue du statisticien. Avec des chiffres, on peut conclure (presque) tout ce qu’on veut. Or, une idée reçue veut que la France soit le plus gros consommateur d’antidépresseurs de la planète. Si c’est de moins en moins vrai en ce qui concerne les nombres absolus, c’est encore plus faux quand on se penche sur le nombre de cachets consommés par habitants. C’est ce que nous apprend une enquête de l’OCDE de 2017 au sujet de l’année 2015. Les éléments donnés sont le nombre d’antidépresseurs pris quotidiennement par tranche de 1 000 personnes.
Des pays déprimants ?
La moyenne de l’OCDE tourne autour de 60 antidépresseurs quotidiens pour une tranche de 1 000 individus. On est très largement au-dessus avec l’Islande, qui arrive en tête : 130 cachets. Suivent les États-Unis et l’Australie, avec des scores à 110 et 104. La quatrième position est occupée par le Portugal, au-dessus des 90 cachets, de même que le Royaume-Uni, la Suède et le Canada qui lui emboîtent le pas. On remarquera donc que les questions de climat et de latitude ne semblent pas être les principales causes de dépression…
L’Autriche est exactement au niveau de la moyenne de l’OCDE. En revanche, on est toujours au-delà avec, par ordre décroissant, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la Nouvelle-Zélande et la Finlande. On arrive en dessous de la moyenne à partir de la Slovénie et de la Norvège (57 cachets), suivies de l’Allemagne, de la Tchéquie et du Luxembourg.
La France cumulerait 50 antidépresseurs chaque jour pour 1 000 personnes, soit nettement en deçà de la moyenne de l’OCDE. C’est un classement presque positif, qui vient tordre le cou à une opinion trop répandue, comme celle-ci :
Mais la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas, Israël et la Slovaquie font mieux, quoique toujours au-dessus des 40 cachets. Il fait en revanche mieux vivre en Turquie et au Chili (plus de 30), ainsi qu’en Hongrie, en Estonie et en Corée du Sud (au-delà de 20). La Lettonie domine le classement, avec le chiffre 17.
Quid des tendances ?
Ce qui fait peur, c’est la généralisation de la dépression dans les pays développés. À titre de comparaison, il y a 20 ans, la moyenne de l’OCDE était à 31 cachets par jour pour 1 000 individus… contre les 60 d’aujourd’hui ! Ainsi, en moins d’une génération, la consommation d’antidépresseurs pour 1 000 habitants a quasiment doublé. C’est un indicateur particulièrement inquiétant.
De fait, en l’an 2000, si de nombreuses données faisaient défaut (Autriche, Nouvelle-Zélande, Canada…), la France arrivait en 5e position d’un classement peu reluisant. Si sa place est désormais beaucoup plus honorable relativement aux autres États, les chiffres absolus ont augmenté, passant de 40 à 50 cachets par jour pour 1 000 Français… La progression est visible partout, quoique diversement : de 71 à 130 pour l’Islande, de 45 à 104 pour l’Australie, de 38 à 110 pour les États-Unis, etc.
Si la crise économique commencée en 2008 peut fournir des explications, ce n’est pas – loin s’en faut – la seule cause de ces dépressions généralisées. Reste encore à trouver la réponse miracle, autre que médicamenteuse ou chimique, à y apporter… Un problème difficilement soluble !