La ville de Mexico, avec ses 22 millions d’habitants, se confronte à une crise de l’eau sans précédent. Entre sécheresses prolongées, infrastructures vétustes et impacts climatiques, la capitale mexicaine se prépare au spectre d’un « Jour Zéro » où l’accès à l’eau deviendra un luxe.
Mexico : une capitale assoiffée
La ville de Mexico, avec une population de 9 millions d’habitants et 22 millions dans sa région métropolitaine, s’engage dans une bataille désespérée contre une crise de l’eau. Depuis des années, la ville affronte des précipitations exceptionnellement faibles, des sécheresses prolongées et des températures élevées, éprouvant un système d’approvisionnement déjà fragile. Ces conditions ne font qu’accentuer un déséquilibre dans une métropole qui se débat pour satisfaire une demande croissante.
L’option de puiser davantage dans les aquifères souterrains, choix de nombreux gestionnaires, a entraîné un affaissement du sol à un rythme préoccupant de 12 cm par an. Actuellement, la capitale mexicaine prélève plus de deux fois la quantité d’eau que l’aquifère peut renouveler naturellement, soulignant un danger imminent pour l’avenir de l’approvisionnement en eau.
La population en constante augmentation ne fait qu’exacerber ces tensions. Les inégalités sociales, déjà importantes, sont amplifiées par cette crise : certains foyers n’ont accès qu’à de l’eau contaminée, voire n’ont pas du tout d’eau courante. Ce contexte soulève des questions fondamentales sur la responsabilité du changement climatique, du développement non durable et d’autres erreurs humaines.
Entre erreurs historiques et défis modernes
La géographie même de Mexico participe à cette crise. Bâtie sur une île entourée de lacs par les Aztèques, la ville est vulnérable aux séismes et au changement climatique. Les sols argileux s’enfoncent, exacerbant les défis de gestion de l’eau.
Les racines de la crise remontent à l’époque coloniale. Les Espagnols, dès le XVIe siècle, ont drastiquement modifié le paysage en drainant les lacs et en asséchant les canaux. Cette transformation a remplacé les zones humides naturelles par des infrastructures en béton et en asphalte, entraînant des inondations massives en période de pluies et des sécheresses pendant les périodes sèches.
Au fil des siècles, les systèmes hydrauliques construits ont principalement visé à éviter les inondations en évacuant les eaux pluviales hors de la vallée. « Depuis le début, il n’a guère été envisagé de séparer les eaux de pluie des eaux usées », rappelle Eric Morales, hydrologue à l’Université nationale autonome du Mexique.
Le système de Cutzamala en péril
Le système d’eau de Cutzamala, composé de réservoirs, stations de pompage, canaux et tunnels, assure environ un quart de l’approvisionnement en eau de la vallée de Mexico. Or, une sécheresse intense frappe durement ce réseau vital, actuellement à seulement 39 % de sa capacité. Cette surexploitation des aquifères entraîne un affaissement continu du sol, mettant encore plus de pression sur le système.
Face à cette situation, les autorités ont sévèrement réduit la distribution d’eau provenant de Cutzamala, instauré des restrictions croissantes. En octobre, la Commission nationale de l’eau (Conagua) a diminué l’approvisionnement de 8 %, puis de près de 25 % quelques semaines plus tard. À cela s’ajoutent des pertes considérables, environ 40 % de l’eau acheminée étant gaspillée en raison des fuites.
Près de 90 % de la ville est actuellement en situation de sécheresse sévère. Avec la saison des pluies encore loin, le spectre du « Jour Zéro » plane, un moment où les robinets risquent de se tarir, situation similar à celle du Cap en Afrique du Sud en 2018.
Facteurs humains et climatiques
Le changement climatique, certes, joue un rôle clé dans cette crise, mais il est aussi exacerbé par des facteurs humains. « Il y a un aspect du changement climatique, mais aussi un élément très fort de mauvaise gestion des ressources et de mauvaise gouvernance », souligne Victoria Beard, urbaniste à l’Université Cornell.
Barton Thompson, chercheur à l’Université de Stanford, propose des solutions : « Diversifier les sources d’eau est essentiel ». Repenser l’urbanisme, améliorer le recyclage des eaux usées et éviter les fuites dans le réseau de distribution sont des actions cruciales pour stabiliser la situation.
Pistes pour un avenir viable
Pour éviter le pire, la ville de Mexico doit adopter une gestion durable de ses ressources hydriques. Le traitement des eaux usées et la collecte des eaux de pluie sont des solutions envisageables pour augmenter l’offre en eau. Réparer les fuites dans le système de distribution est aussi indispensable pour maximiser l’efficacité.
Des solutions fondées sur la nature, telles que la restauration des rivières et des zones humides, apporteraient une réponse à la fois écologique et pratique aux pénuries d’eau. Cela améliorerait non seulement l’approvisionnement mais aussi la purification de l’eau, tout en rendant la ville plus résiliente aux impacts climatiques.
Cette crise accentue les inégalités au sein de la ville : alors que les quartiers aisés sont relativement épargnés, d’autres zones subissent des pénuries sévères. Les habitants concernés doivent souvent recourir à des camion-citernes, une solution coûteuse et inefficace.
La crise de l’eau à Mexico doit servir de leçon mondiale sur l’importance de la gestion durable des ressources. Comment les villes du monde entier peuvent-elles prévenir un tel effondrement de leur système hydrique ?
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