Malgré les efforts pour sauvegarder nos écosystèmes marins, une récente étude souligne l’inefficacité de la majorité des aires marines protégées (AMPs) dans la préservation de la biodiversité.
Un accord historique entravé par la réalité
La conférence mondiale sur la biodiversité (COP15) a vu aboutir un accord unanimement approuvé par 196 pays en décembre 2022. Cet accord stipulait qu’à l’horizon 2030, 30% de notre planète devrait être protégée, englobant ainsi les zones terrestres et maritimes. Cependant, malgré la réglementation mise en place, l’étude révèle une réalité alarmante : la plupart des AMPs sont loin d’offrir la protection qu’elles promettent pour préserver la biodiversité marine.
Des mesures de protection en trompe-l’œil
Cette étude, réalisée par un collectif international d’experts en conservation et publiée dans la revue ‘Conservation Letters’, a passé au crible les 100 plus grandes aires marines protégées dans le monde. Ces zones concentrent 90% des réserves mondiales. Le constat est amère : seule une fraction de ces AMPs garantit réellement la préservation de la biodiversité.
Le CNRS, participant à cette étude, rapporte qu’un quart des AMPs analysées ne disposent d’aucune réglementation effective. Pire, un tiers d’entre elles autorise des activités industrielles, y compris la pêche commerciale à grande échelle. Joachim Claudet, chercheur au CNRS interrogé par RFI, déclare : « _de l’extraction minière, de l’extraction pétrolière_ peuvent y avoir lieu. Il peut même y avoir du chalutage, qui est extrêmement destructeur pour les habitats. »
La nécessité d’une protection de qualité
En outre, l’étude révèle un autre aspect critique : la plupart des plus grandes AMPs sont situées en plein océan, loin de toute terre émergée. Les régions les plus impactées par les activités humaines, et donc nécessitant le plus de protection, sont souvent dépourvues de toute mesure conservatoire.
« _Dans des zones extrêmement peuplées, le but n’est pas de faire des aires marines protégées géantes qui excluent tout type d’activité, mais il faudrait faire des réseaux d’aires marines protégées_ », propose Joachim Claudet. Autrement dit, des zones de protection intégrales, ponctuées d’aires autorisées pour la pêche, pourraient être une alternative constructive.
Appel à une révision des normes des AMPs
L’étude conclut sur une note pragmatique en appelant à une mise en application plus rigoureuse des normes des AMPs. Les chercheurs soutiennent que les mécanismes actuels d’évaluation privilégient la quantité de zones protégées au détriment de la qualité de la protection qu’elles offrent.
Un réajustement des critères de reconnaissance des AMPs est également préconisé afin d’exclure les zones dont le niveau de protection est inconnu ou insuffisant. L’extension des AMPs à l’ensemble des écosystèmes marins et la ratification du traité international de protection de la haute mer sont également suggérées, à condition que seules les zones offrant un niveau de protection élevé y soient incorporées.
Cet appel à un renforcement de la protection marine résulte d’une réalité consternante : deux tiers des aires marines dites protégées ne le sont pas réellement. Seule une remise en question des méthodes actuelles semble pouvoir endiguer ce constat inquiétant. Après tout, comment pouvons-nous préserver efficacement la biodiversité marine si les zones mêmes conçues pour la protéger s’avèrent inefficaces et parfois même nuisibles ?