L’Arabie saoudite s’est fixé pour objectif de capturer 44 millions de tonnes de carbone par an d’ici à 2035. Pour atteindre cet objectif, le royaume doit accélérer les technologies de capture, d’utilisation et de stockage du carbone (CCUS), qui permettent de capturer, d’utiliser et de stocker le carbone, afin de devenir un leader mondial dans l’industrie de la capture du carbone.
C’est indéniable : la terre se réchauffe à cause des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, comme le dioxyde de carbone (CO2). Il est impératif que les nations réduisent leur empreinte carbone pour limiter le changement climatique. Les pays producteurs de pétrole et de gaz, énergies fossiles dont la combustion émet beaucoup de CO2, sont notamment invités à se tourner vers les énergies vertes.
Un changement de modèle délicat à opérer : l’économie mondiale reste largement dépendante de l’or noir. Les technologies de capture du carbone pourraient donc être une planche de salut pour limiter l’impact des industries extractives. L’Arabie saoudite se positionne actuellement pour devenir le leader mondial dans ce domaine, mais également dans l’économie du carbone au sens large.
Pour ce faire, le royaume mise d’abord sur la photosynthèse. Pour rappel, il s’agit du processus par lequel les arbres absorbent le CO2 de l’atmosphère et le transforment en oxygène et en énergie. Les autorités ont lancé diverses initiatives de boisement, telles que Saudi Green et Middle East Green, qui visent à planter 50 milliards d’arbres en Arabie saoudite et dans la région d’ici à 2030.
Mais le pouvoir des plantes ne suffira pas à enrayer le réchauffement climatique. D’autres leviers efficaces doivent être activés pour réduire les émissions de CO2, comme les technologies (CCUS), qui capturent le CO2 à la source ou directement dans l’air. Le dioxyde de carbone collecté est ensuite stocké en profondeur ou traité pour être récupéré.
L’Arabie saoudite devra travailler sur ces technologies si elle veut atteindre son objectif ambitieux de capter 44 millions de tonnes de CO2 par an d’ici à 2030. La compagnie nationale de pétrole et de gaz d’Arabie saoudite Aramco travaille déjà avec le ministère saoudien de l’énergie pour créer un centre à Jubail capable de stocker 9 millions de tonnes de CO2 par an d’ici à 2027.
Mais l’Arabie saoudite n’est pas seule sur ce créneau. Les Émirats arabes unis ont également l’intention de réduire drastiquement leurs émissions de CO2. Il y a un mois et demi, l’Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC) s’est associée à la Fujairah Natural Resources Corporation, une entreprise basée à Masdar (une ville écologique située en plein désert) et experte en énergie propre. ADNOC s’est également associé à 44.01, une entreprise émiratie spécialisée dans la décarbonisation. Le projet vise à éliminer le C02 de l’air en le « minéralisant » dans les roches de l’émirat de Fujairah.
Selon Vikas Dhole, PDG du fournisseur de logiciels et de services pour les industries de transformation AspenTech, le Moyen-Orient dans son ensemble est bien placé pour devenir un poids lourd de la décarbonisation au niveau mondial. En effet, la région dispose de vastes formations souterraines capables de stocker une très grande quantité de CO2.
« Ces deux initiatives de l’Arabie saoudite et d’Abou Dhabi auront un impact significatif, tant au niveau régional que mondial. Le Moyen-Orient peut combiner cela avec la géographie idéale de la région pour générer de l’énergie solaire massive. Tous ces éléments se combinent pour faire de l’énergie verte une énergie sans carbone », a-t-il déclaré à Arab News.
AspenTech travaillera avec Aramco pour proposer le logiciel de capture du carbone qu’elles ont mis au point aux grandes entreprises mondiales. Cette technologie aura un impact au-delà des frontières du royaume.
M. Dhole indique également que son groupe est en train d’intégrer le logiciel d’Aramco dans de nombreuses entreprises internationales pour les aider à analyser les résultats à long terme de diverses stratégies de stockage du CO2, y compris la minéralisation. « En bref, nous pouvons nous attendre à ce que les récentes annonces faites au Moyen-Orient aient un impact significatif », poursuit-il.
Un autre exemple est la méga-usine de capture et d’utilisation du carbone (CCU) qui a ouvert ses portes en 2015 chez United, une filiale de SABIC, la plus grande installation de ce type dans le monde. Elle utilise une technologie exclusive pour capturer 500 000 tonnes métriques (MT) de CO2 par an provenant de la production d’éthylène glycol, en le convertissant en matière première pour les processus industriels. Le CO2 capturé équivaut à la plantation de plus de 11 millions d’arbres.
L’intérêt pour la CCUS s’est considérablement accru ces dernières années. Ce n’est pas surprenant puisque le piégeage du carbone pourrait permettre d’atteindre 14 % de l’objectif mondial de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2050. Ces technologies seraient même le seul moyen de décarboniser massivement le secteur industriel. Rappelons que l’accord de Paris sur le climat a donné naissance à l’objectif de neutralité carbone à l’échelle planétaire en 27 ans.
Par ailleurs, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) affirme qu’une réduction drastique des émissions de carbone ne suffira pas à enrayer le changement climatique. Le monde a donc désormais besoin de technologies à émissions négatives pour limiter la hausse des températures.
En combinant l’innovation technique, l’innovation numérique et les ressources financières d’acteurs tels que l’Arabie saoudite, il est possible d’accélérer la mise à l’échelle des technologies CCUS. Abou Dhabi a également un rôle important à jouer. Les deux pays ont la possibilité de fournir des services d’élimination et de stockage du carbone au-delà du Moyen-Orient.
Ce savoir-faire devrait susciter l’intérêt de nombreuses grandes entreprises françaises souhaitant réduire leur empreinte carbone ou commercialiser les technologies CCUS sur leur territoire. L’Arabie saoudite et Abou Dhabi pourraient ainsi signer de nombreux partenariats stratégiques dans les mois/années à venir.
« L’utilisation et le stockage du carbone ont désormais fait leurs preuves sur le plan technologique et s’améliorent rapidement sur le plan économique. Ils deviendront l’une des principales « solutions miracles », s’ils sont financés dans la mesure où les projets peuvent être réalisés de manière entièrement numérique, de sorte que les projets passés informent les projets futurs pour continuer à améliorer la technologie, l’économie et la rapidité de livraison », déclare Vikas Dhole.
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