L’année 2023 devrait être le théâtre de plusieurs modifications majeures dans la manière dont sont présentés, en magasins, les produits alimentaires. Si le Nutriscore continue de cristalliser les critiques et pourrait, a minima, être remanié, d’autres changements d’étiquetage pourraient être adoptés. Pour le meilleur et, parfois, le pire.
Il n’y a pas que les prix qui changent, drastiquement, dans les rayons de nos supermarchés. Si l’inflation a, depuis un an, profondément impacté le quotidien de millions de consommateurs, contraints d’y regarder à deux fois avant de placer tel ou tel produit dans leur caddie ou tote bag, plusieurs changements d’importance pourraient bien être sur le point de bouleverser, à nouveau, la manière de faire ses courses alimentaires. A commencer par l’abandon du Nutriscore, du moins sous sa forme actuelle.
Les failles du Nutriscore
Apparu en 2017 sur les emballages alimentaires, le système d’étiquetage, jusqu’à présent adopté par sept pays européens dont la France, classe les aliments de A/Vert à D/Rouge, en fonction de la valeur nutritionnelle de ceux-ci. Un algorithme détermine ainsi l’apport énergétique, la présence de sucres, fibres ou protéines, en partant d’une portion théorique de 100 grammes. Les gâteaux, trop sucrés, ou la charcuterie, trop grasse et salée, écoperont ainsi d’une mauvaise note, alors que des produits faisant la part belle aux légumes ou aux céréales seront a priori bien notés.
Mais comment se fait-il alors que certains produits ultra-transformés affichent un A ou un B ? A l’inverse, pourquoi l’huile d’olive, unanimement reconnue par les diététiciens pour ses qualités, se retrouve-t-elle en bas du classement ? Parce que le Nutriscore fait l’impasse sur plusieurs ingrédients et notions fondamentales : ignorant la présence d’additifs dans les aliments, le label ne prend pas non plus en compte leur degré de transformation, ni les concepts de portion et d’équilibre alimentaire. Autrement dit, l’algorithme du Nutriscore estime qu’il est tout à fait possible d’ingurgiter 100 millilitres d’huile d’olive d’un coup – et, surprise, déconseille la pratique.
Une mise à jour trop tardive ?
C’est cette notion de portion, ou plutôt son absence, qui cristallise l’opposition au système d’étiquetage. Ses détracteurs, au premier rang desquels on retrouve les producteurs de charcuterie, fromages et autres spécialités régionales de France, d’Espagne ou d’Italie, estiment comme le député européen italien Herbert Dorfmann qu’il « existe malheureusement de nombreux exemples qui montrent comment le Nutriscore peut induire le consommateur en erreur ». « Le Nutriscore parle de la qualité d’un produit sans parler de la quantité et je reste convaincu qu’en matière de nutrition, la quantité compte beaucoup », campe encore l’eurodéputé.
Alors que la Commission Européenne table sur un système d’étiquetage alimentaire pour l’ensemble des pays-membres, le Nutriscore tente d’apparaître comme un concurrent crédible en actualisant son algorithme et espére ainsi convaincre les sceptiques. Une mise à jour du logiciel qui ne devrait pas changer l’essentiel aux yeux de ses contempteurs : ainsi, l’huile d’olive devrait être toujours très mal notée tandis que les produits ultra transformés – comme les céréales ou les pizzas surgelées – devrait encore profiter de bonne notation grâce à la présence d’édulcorants ou d’additifs qui évitent aux produits de mauvaises notes. Mais ce changement d’algorithme risque à la longue de semer la confusion chez le consommateur, déjà perdu face à la prolifération des étiquetages.
Poulet « label Rouge » menacé, nouvel étiquetage environnemental : ce qui attend les consommateurs en 2023
Car ces modifications parviendront-elles à faire taire les critiques adressées au Nutriscore ? Nul ne le sait, tant l’attention du consommateur va être, dans les mois à venir, sollicitée par de nouvelles mesures et dispositions chamboulant ses habitudes. Le journal Marianne nous apprenait ainsi récemment que la Commission européenne pourrait avoir bientôt la peau… du sacro-saint poulet « label Rouge ». Un gage de qualité inégalé, qui garantit des normes de productions drastiques en termes de bien-être animal ou de respect de l’environnement ; mais un label qui va à l’encontre des intérêts des lobbies – allemand, mais aussi de l’Europe de l’Est – du poulet industriel, qui trépignent d’impatience à l’idée de pouvoir accoler sur leurs produits de fantaisistes mentions « poulets des champs » ou « à l’air libre », qui ne reposeraient sur aucun cahier des charges contraignant.
L’objectif ici est clair : induire la confusion dans l’esprit du consommateur qui, pensant bien faire, reporterait son choix sur des produits prétendument vertueux. Et la confusion, c’est aussi ce qui règne en matière d’étiquetage environnemental, où une jungle de labels plus ou moins sérieux coexistent. Trop, d’après le collectif « En Vérité », qui rassemble une soixantaine de marques : « aujourd’hui, c’est mission impossible », d’après Sébastien Loctin, fondateur du collectif, selon qui « soit on n’a pas les informations, soit elles sont noyées sous un discours marketing. Cette confusion ne fait le jeu de personne ». Le gouvernement doit arbitrer cette délicate question d’ici la fin de l’année. En attendant, les consommateurs n’ont pas fini de plisser les yeux pour décrypter les emballages.