Un temps critiqués, les rapprochements entre Berkshire Hathaway et Alleghany, et Covéa et ParnerRe, apparaissent aujourd’hui comme des deals gagnants, alors que les prix des réassureurs explosent pour s’adapter à la multiplication des catastrophes naturelles.
Dans le monde feutré de l’assurance, les deals avaient fait couler beaucoup d’encre. Il y a plusieurs mois de cela, deux gigantesques opérations d’achat de réassureurs par des groupes d’assurance ont profondément remodelé le paysage mondial de l’assurance-réassurance. A quelques mois d’intervalle seulement, le géant américain Berkshire Hathaway Inc., propriété du milliardaire Warren Buffet, avait absorbé le réassureur Alleghany pour 12 milliards de dollars, peu de temps après le rachat du réassureur bermudien PartnerRe par le groupe français Covéa, le leader mutualiste tricolore (MAAF, MMA, GMF) mettant quant à lui 7,7 milliards d’euros sur la table pour boucler l’opération.
Abondamment commentés, parfois critiqués voire jugés, par certains observateurs, démesurément dispendieux, ces rapprochements entre mastodontes du secteur furent justifiés par leurs initiateurs au nom d’un contexte international plus volatil et incertain que jamais : entre la multiplication des catastrophes naturelles dues au changement climatique – en 2022, les sinistres climatiques ont dépassé, pour la seconde année consécutive, les 100 milliards de dollars de pertes –, la guerre en Ukraine, la crise énergétique, l’inflation galopante et les dernières conséquences de la pandémie de Covid-19, le temps était à la consolidation d’acteurs qui, plus gros, devaient se montrer plus résistants face aux inévitables crises à venir. Des paris stratégiques, donc.
Envolée historique des tarifs des réassureurs
S’il est encore trop tôt pour tirer les pleins enseignements de ces opérations hors-normes, le temps a-t-il, pour l’heure, donné raison à Covéa et Berkshire Hathaway ? A en juger par l’explosion, proprement historique, des tarifs des réassureurs en ce début d’année 2023, force est de reconnaître que les deux acheteurs ont eu du flair. Alors que le mois de janvier est traditionnellement le théâtre d’une vaste campagne mondiale de renouvellement de leurs contrats, les réassureurs des quatre coins du globe ont, semble-t-il, eux aussi tiré les leçons de la succession des catastrophes climatiques qui ont frappé la planète en 2022 : sécheresse, incendies, orages et grêle, inondations, ouragans, etc. – sans oublier, encore et toujours, les diverses conséquences du conflit en Ukraine ou les répercussions de la crise sanitaire.
Résultat, les primes de réassurance ont, au 1er janvier, augmenté en moyenne de +37% en ce qui concerne la couverture des sinistres dus aux catastrophes naturelles, après avoir déjà enregistré une hausse de +9% l’année précédente. Dans le détail, les primes « cat nat » ont bondi de +50% aux Etats-Unis, de +30% sur le Vieux continent et même de +150% dans certaines zones géographiques particulièrement exposées aux aléas météorologiques. La réassurance des flottes d’avions, dans un contexte où de nombreux aéronefs sont cloués au sol en Russie, a quant à elle enregistré une hausse comprise entre +150% et +200%. Répercutant sur leurs clients la fonte de leurs ressources financières due au recul global des marchés en 2022, les réassureurs ont par ailleurs imposé aux assureurs une plus forte sélection des risques. Enfin, l’inflation a elle aussi été prise en compte, conduisant à un renchérissement global des indemnisations.
La bonne affaire de Covéa et Berkshire Hathaway
Autant de facteurs qui font dire à David Flandro, responsable de l’analyse chez le courtier Howden, que le secteur de la réassurance « connaît ses hausses de prix les plus sévères et cycliques depuis la période 2001-2006, si ce n’est avant ». En d’autres termes, les réassureurs n’ont jamais été aussi chers qu’ils le sont depuis le début de l’année – et, parallèlement, aussi indispensables qu’aujourd’hui à la pérennité du modèle économique des assureurs. C’est donc peu dire que Covéa et Berkshire Hathaway ont fait une bonne affaire : non seulement les deux groupes ont mis la main sur des réassureurs qui consolident leur activité et renforcent leurs positions sur un marché hyper-concurrentiel, mais surtout, ils l’ont fait au meilleur moment, et au meilleur prix. Ceux qui n’ont, alors, pas eu le même nez doivent, aujourd’hui, s’en mordre les doigts.