Alors que la surface de la forêt a doublé depuis le XIXe siècle, elle est aujourd’hui menacée par le dérèglement climatique. L’intervention des forestiers, dans le cadre de la gestion durable des forêts, permet d’adapter les essences aux effets du changement climatique. Des initiatives en ce sens se développent, avec l’objectif de gagner la bataille du réchauffement.
La surface occupée par la forêt française n’a jamais été aussi importante. Depuis le XIXe siècle, sa superficie a doublé, pour représenter aujourd’hui « plus du quart de la surface du pays » souligne Martine Chalvet, historienne et maître de conférence à l’Université de la Méditerranée. Cette croissance a renforcé le rôle environnemental des forêts. « Sur le plan de la transition énergétique, la forêt constitue à la fois un puits de carbone et une source d’énergie renouvelable. Son rôle comme puits de carbone est lié au fait que la surface forestière a augmenté de 20% sur les 35 dernières années, notamment dans les régions montagneuses. » explique Benjamin Piton, ingénieur forestier à l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).
Le ministère de l’Agriculture rappelle que « la filière bois-forêt française permet de compenser environ 20% des émissions françaises de GES de CO2 grâce au stockage de bois en forêt, dans les produits bois et à la substitution d’énergies fossiles et de matériaux plus énergivores ». Or, ce rôle d’atténuation est aujourd’hui menacé par le dérèglement climatique. Les sécheresses inhabituelles, sources de stress hydrique pour les arbres, forment un terreau favorable au développement de ravageurs comme les scolytes et aux incendies. Pour favoriser la longévité des forêts, le ministère de l’Agriculture et les professionnels du secteur mènent des actions de diversification et de renouvellement des peuplements forestiers. L’objectif : aider les forêts à s’adapter au changement climatique pour mieux l’atténuer.
Introduire des essences plus résistantes
Pour relever ce challenge, les forestiers sont les meilleurs alliés des forêts : « Les dérèglements et le réchauffement climatique sont violents et très rapides. Il est primordial d’intervenir dans les forêts pour les maintenir en bonne santé, stocker davantage de carbone et valoriser leur rôle dans la diminution des gaz à effet de serre. » explique Bertrand Servois, président de l’UCFF – Les Coopératives forestières.
Cela passe par l’introduction d’essences capables de résister aux changements de températures. Une initiative soutenue par le volet du plan de relance consacré à la forêt, qui consacre 150 millions d’euros à un fonds forêt de renouvellement et d’adaptation au changement climatique. Exemple d’initiative développée dans ce cadre : ClimEssences, un outil d’aide à l’adaptation climatique développé par des chercheurs de l’Onf et du Centre national de la propriété forestière (CNPF). Accessible en ligne, il permet aux exploitants publics et privés de déterminer les essences les plus aptes à résister à un milieu donné, en fonction de différents scénarios et des spécificités des territoires. L’idée est ensuite d’opérer la « migration assistée » d’essences résistantes, déjà à l’œuvre naturellement mais pas assez rapidement pour contrer les effets du dérèglement climatique.
En Aveyron, la coopérative SYLVA BOIS a réalisé une coupe rase dans une parcelle de Douglas qui subissait les effets du changement climatique. La parcelle a ensuite fait l’objet d’un reboisement avec du Pin Laricio de Corse, essence adaptée plus résistante au milieu. Une transition qui permettra à cette forêt de résister à un scénario intégrant une température augmentée de 2 degrés.
« Quand il n’y a pas de dépérissement, il faut essayer de maintenir les écosystèmes en place »
Ces expérimentations ne doivent pas pour autant fragiliser la biodiversité des forêts. Un exercice d’équilibriste dont les professionnels sont conscients, comme le fait valoir Eric Paillassa, ingénieur en charge du changement climatique au Centre National de la Propriété Forestière : « On ne remplace pas toute la forêt française. Quand il n’y a pas de dépérissement, il faut essayer de maintenir les écosystèmes en place. Nous comptons également sur la diversité génétique de nos peuplements pour s’adapter au climat ». Et de conclure : « le bon sens du forestier doit toujours être présent pour analyser les résultats proposés » par les outils de prédiction.
L’Onf a de son côté développé une démarche innovante pour encourager la diversification des essences au service de la résilience des peuplements. Le projet baptisé « forêt mosaïque » vise ainsi à créer sur une petite surface des zones de régénération naturelle et des milieux ouverts entourés de plantations de différentes essences . « Ces zones de régénération de la forêt seront au cœur d’une matrice d’arbres adultes et en interaction avec des secteurs maintenus en pleine naturalité, c’est-à-dire en libre évolution », détaille Régine Touffait, secrétaire générale de la Direction forêts et risques naturels (DFRN) à l’Onf. Des suivis réguliers sont prévus très régulièrement pour vérifier et réorienter si nécessaire les choix opérés.