Face aux graves répercussions économiques de la crise sanitaire en Afrique, une trentaine de dirigeants européens, africains et arabes ont appelé au lancement d’un New Deal africain. L’initiative, portée notamment par Macky Sall et Emmanuel Macron, est sans précédent.
Alors que le G7 en Angleterre a validé la redistribution d’un milliard de doses de vaccins supplémentaires d’ici la fin 2022 à destination des pays pauvres, un autre dossier urgent était au programme des sept chefs d’État les plus influents de la planète : celui du New Deal africain. Exprimée pour la première fois lors du Sommet sur le financement des économies africaines organisé le 18 mai 2021 à Paris, l’idée a pris forme à travers la tribune publiée le 2 juin par 32 présidents, chefs de gouvernement et dirigeants d’institutions internationales dans le quotidien Le Monde. Dans cet appel à la solidarité cosigné notamment par Ursula von der Leyen et Charles Michel, co-dirigeants de l’Union européenne, Moussa Faki, leur homologue de l’Union africaine, ou encore Mohammed ben Salmane, prince héritier d’Arabie saoudite, les présidents Emmanuel Macron (France), Paul Kagamé (Rwanda), Macky Sall (Sénégal) et Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud) invitent la communauté internationale à « aller plus loin » que les engagements pris précédemment pour aider l’Afrique à surmonter l’actuelle crise du Covid. Car « si le choc sanitaire est à ce jour mieux maîtrisé en Afrique qu’ailleurs, il pourrait cependant y être plus durable, profond et déstabilisateur pour l’ensemble de la planète », avertissent les signataires de la tribune.
Objectif : tripler les droits de tirage spéciaux pour l’Afrique
En 2020, le recul de 3,7 % du PIB moyen a, en effet, signé la destruction programmée de 2 millions d’emplois sur le continent, là où la création d’1,5 à 2 millions de postes est nécessaire afin d’accompagner la croissance démographique et ne pas plonger toute une partie de la population dans l’extrême pauvreté. Selon le FMI (Fonds monétaire international), les pays africains auront besoin de 285 milliards de dollars de financements additionnels d’ici à 2025 pour amortir le choc économique et social provoqué par la pandémie. Sans « plan de relance ni mécanisme de création monétaire en vigueur pour mobiliser de telles ressources, […] l’Afrique ne lutte pas à armes égales face à la pandémie ». Alors pour permettre de relancer la « dynamique de croissance installée depuis 25 ans […] sans remettre en cause les dépenses de sécurité et le financement des infrastructures », le New Deal africain appelle à un « investissement massif » pour la vaccination, mais aussi pour la santé, l’éducation et la lutte contre le changement climatique. Cette mobilisation passe par la réallocation pour l’Afrique de 100 milliards de dollars en droits de tirage spéciaux (DTS) délivrés par le FMI, au lieu des 33 milliards prévus initialement. Un tel soutien financier vise à « ouvrir la voie à une réponse panafricaine pour soutenir la reprise économique et les progrès vers les objectifs du développement durable de 2030 », notamment en renforçant la place des institutions financières africaines au niveau international et en finançant l’entrepreneuriat africain.
Macky sall, porte-voix de l’afrique
Principal artisan du sommet du 18 mai et de l’appel pour un New Deal africain, Emmanuel Macron s’est lui-même appuyé sur le volontarisme de Macky Sall, le président sénégalais, qui s’est fait le porte-voix des 54 pays africains pour obtenir une réponse internationale au désastre économique qui menace l’Afrique. Seul dirigeant, avec le président de l’Union africaine Félix Tshisekedi, à prendre la parole lors du rendez-vous parisien, le chef d’État élu en 2012 et réélu en 2019 a joué un rôle essentiel pour le lancement de ce programme inédit basé sur des investissements publics, plutôt que sur un système de prêts. Appelant à un rééquilibrage du rapport entre les pays africains et leurs partenaires occidentaux, Macky Sall se positionne de plus en plus en acteur régional et continental de premier plan. La presse nationale s’en est enorgueillie et encense ses qualités d’orateur et de visionnaire autant que sa force de proposition. Avant même ce coup d’éclat, le président sénégalais, qui a trouvé une issue favorable aux soulèvements de la jeunesse sénégalaise en avril, faisait déjà figure de partenaire privilégié de la France en Afrique. Fin août 2020, il avait été reçu avec les honneurs à l’Élysée par Emmanuel Macron pour évoquer des projets bilatéraux ainsi que la situation politique sur le continent, avant de rencontrer Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie, Rémy Rioux, directeur général de l’Agence française de développement, ainsi que plusieurs hauts responsables du secteur privé. Aux côtés de Paul Kagamé (Rwanda) et de Cyril Ramaphosa (Afrique du Sud), Macky Sall incarne une Afrique moderne et conquérante, déterminée à négocier d’égal à égal avec ses homologues occidentaux.