C’est une polémique menée tambour battant depuis plusieurs semaines par un attelage curieux et hétérogène qui voit Europe Ecologie Les Verts s’allier à « Les Républicains » et la République en Marche pour dénoncer le projet de modernisation de la gare d’Austerlitz, validée par la mairie de Paris et son premier édile, Anne Hidalgo. Une polémique qui s’apparente à une escarmouche politique à l’approche des élections régionales et à un an de l’élection présidentielle.
La gare d’Austerlitz est en chantier depuis plus de deux ans. La vénérable institution avait bien besoin d’un coup de jeune après plus d’un siècle de bons et loyaux services. Le projet, notamment porté par la SNCF et validé par la mairie de Paris (avec le soutien des écologistes à l’époque), prévoit de moderniser l’ensemble de la gare en construisant espaces verts et commerciaux, bureaux et logements sociaux.
Le rejet d’un projet marqué par les agendas politiques
Il s’agit d’un vaste projet d’urbanisme conçu pour revitaliser une friche industrielle sous-exploitée, qui n’avait guère suscité d’émoi au moment de son lancement il y a plus de dix ans et au cours des premières phases de son avancement. Mais en cette année très politique, avec les élections régionales qui ont lieu dans quelques semaines et à un an de l’élection présidentielle, l’opposition d’une partie de la classe politique parisienne s’est concentrée sur le « mur urbain » qui doit voir le jour sur le boulevard de l’hôpital, entre la gare et l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Sans surprise, c’est Europe Ecologie-Les Verts, et son étoile montante Julien Bayou, tête de liste aux régionales du mois prochain, qui ont tiré les premiers dénonçant une « aberration » et un mur de 37 mètres de haut… qui n’en fait en réalité que 31, soit la hauteur de la plupart des bâtiments du boulevard de l’hôpital. Une critique qui semble donc dérisoire et très politique, considérant que le projet mesurera moins d’un tiers de la hauteur moyenne d’une tour de la défense (96 mètres). Le « mur » semble également bien modeste en comparaison d’un projet plus récent, la « Tour Triangle », dans le quartier de la Porte de Versailles (qui avait également provoqué une réaction hostile des EELV parisiens), et dont la flèche s’élèvera à 180 mètres de hauteur. Avec ce type de critique, c’est à se demander à quoi ressembleraient les rues de Paris sans les façades emblématiques de ses boulevards.
Mais le dogmatisme et l’immobilisme ont la peau dure… et pas seulement du côté des écologistes, puisque des figures LR et LREM se sont joints au concert de critiques contre le « mur urbain » d’Austerlitz. Une alliance de circonstance qui semble donc à première vue bien curieuse entre des élus écologistes membres de la majorité municipale « Paris en commun », avec l’opposition de droite au Conseil de Paris.
Un projet architectural qui a impliqué architectes et riverains
Les critiques fallacieuses contre le « mur urbain » semblent donc regorger d’arrière-pensées pour quiconque se souvient de l’état de la gare d’Austerlitz et de ses environs avant le lancement des travaux de rénovation.
Selon Emmanuel Grégoire, le premier adjoint de la maire de Paris, le projet validé par le conseil municipal doit permettre « une extension extrêmement importante des espaces verts et une désimperméabilisation des sols ». A cet égard, le refus dogmatique de cette façade procède d’un regard partial et partiel : loin d’enlaidir le paysage urbain dans lequel il s’insère, le projet s’inscrit dans la diversité et la richesse architecturale des façades parisiennes Du monumentalisme haussmanien, qui réhausse d’ailleurs à l’époque la hauteur des façades grâce aux progrès techniques du XIXème siècle, à l’Art Nouveau avec son travail de l’acier et du verre, en passant par le Paris classiciste des Lumières : chaque époque a inscrit sa marque distincte dans le paysage urbain de Paris. Autant de styles de « murs urbains » qui font aujourd’hui l’attrait de la ville.
La réalisation du plan d’urbanisme de réhabilitation de la gare d’Austerlitz, créé par Jean Nouvel, a impliqué la collaboration de l’architecte Jean-Marie Duthilleul et des ateliers Zundel et Cristea, Trevelo & Viger-Kohler, Inspace Architecture, Henke Schreik, Tank Architectes, Wilmotte & Associés, emmenés par Dietmar Feichtinger. Une cinquantaine d’ateliers a réuni toutes les parties prenantes, dont le représentant des riverains, pour la conception du projet, afin de garantir le respect des monuments historiques, comme la gare d’Austerlitz elle-même et l’hôpital de la Pitié Salpêtrière.
Alors que les élus EELV et le « Collectif Austerlitz » s’érigent en censeurs du bon goût architectural, leur prise de position politique ne manquera pas de faire plaisir aux concepteurs et aux ateliers qui se sont investis dans ce projet d’une ampleur inédite… et validé par un long et rigoureux processus de validation entre la mairie de Paris et l’État.
Ça vous a plu ? 4.4/5 (25)