Les récentes tractations sur l’avenir du groupe Lagardère l’ont rappelé : Bernard Arnault, le président de LVMH, est aussi un homme de médias. Un entrepreneur qui applique au monde de la presse les mêmes méthodes qui lui ont valu son succès dans le luxe. Dernier exemple en date : le montage retenu pour son entrée au capital du magazine Challenges.
Désigné « manager de la décennie » en 2020, Bernard Arnault peut s’enorgueillir de multiplier les succès. En février 2021, le titre LVMH s’envolait à la Bourse de Paris et devenait la première capitalisation européenne devant Nestlé, soit la plus forte capitalisation de l’histoire du CAC40. Un premier trimestre définitivement réussi avec 14 milliards d’euros de ventes, le groupe enregistrant une croissance de son chiffre d’affaires de 32% par rapport à 2020.
LVMH assoit sa présence dans les médias
Toujours à l’affût de nouvelles opportunités, Bernard Arnault entend par ailleurs garder un œil sur les médias. La Lettre A a récemment détaillé l’opération qui doit mettre fin au pas de deux entre Bernard Arnault et Claude Perdriel, propriétaire historique du Nouvel Observateur, désormais à la tête des Editions Croque Futur (Challenges, Historia, L’Histoire, Sciences et Avenir-La Recherche). Il existe « des relations de grande proximité et de grande confiance entre Claude Perdriel et Bernard Arnault » précisait récemment LVMH. Le 12 mai 2021, l’assemblée générale du groupe de presse s’apprête à avaliser une augmentation de capital à hauteur de 40%, soit un apport de 8 millions d’euros par le fondateur de LVMH.
Pour finaliser ce rapprochement envisagé depuis des mois, restait un dernier point en suspens : le véhicule financier à travers lequel Bernard Arnault doit faire son entrée au capital du magazine, dont Claude Perdriel restera l’actionnaire majoritaire. Plutôt qu’une entité personnelle, le président du groupe LVMH a décidé de passer par la société UFIPAR, holding qui chapeaute directement Le Parisien, ainsi que Les Echos via une holding distincte. De quoi consolider la présence du patron de LVMH dans le paysage français des médias.
Lancées en 1993 avec l’acquisition du magazine Investir et du quotidien La Tribune, les activités de Bernard Arnault dans la presse ont pris une tournure décisive en 2007 avec le rachat des Echos, quotidien économique français le plus lu. Nouveau coup en 2015 avec la prise de contrôle du populaire Parisien-Aujourd’hui en France. L’entrée au capital du magazine Challenges consolide la position de Bernard Arnault dans le secteur économique, particulièrement prisé par les décideurs. En attendant, peut-être, un rééquilibrage du volet grand public de son empire médiatique, si Paris Match et le Journal du Dimanche, joyaux du groupe Lagardère, devaient un jour tomber dans son escarcelle.
Agilité et montages stratégiques
Le montage imaginé dans ce dossier témoigne d’une maîtrise des mécanismes financiers qu’on retrouve à toutes les étapes de la carrière de Bernard Arnault. Une maîtrise sans laquelle sa seule vision d’entrepreneur n’aurait pas pu le propulser à la place qu’il occupe aujourd’hui dans le monde des affaires.
Un autre épisode récent est venu rappeler cette agilité dans le financement de projets à haute valeur ajoutée : l’introduction en bourse d’Amsterdam de Pegasus Acquisition Company Europe B.V., une SPAC créée en association avec le groupe de capital-investissement Tikehau Capital et le banquier Jean-Pierre Mustier. SPAC pour « Special Purpose Acquisition Companies », un type de structure qui permet de lever des capitaux par le biais d’une offre publique de vente, avec pour objectif de fusionner ultérieurement avec une société non cotée. Ce type d’opération en vogue sur les marchés européens, et surtout américains, offre l’avantage d’une entrée en Bourse plus rapide qu’avec les procédures classiques.
La rapidité d’action, alliée à la capacité à mobiliser des sommes considérables, est une constante de la méthode Arnault. En 2019, cette méthode lui avait permis d’acquérir le mythique joaillier Tiffany & Co, pour un montant alors fixé à 16 milliards de dollars. Un rachat retardé par les aléas sanitaires et la crise économique, mais qui s’est finalement concrétisé en janvier 2021, renforçant la domination de LVMH sur le secteur du luxe. Et la place de Bernard Arnault dans le top 3 des fortunes mondiales.