Dans un livre paru aux éditions Robert Laffont, la journaliste Mérième Alaoui dresse un portrait peu reluisant du député La France Insoumise François Ruffin. L’auteur du documentaire « Merci Patron ! », connu pour ses actions militantes et son humeur potache, y est présenté comme un personnage très ambitieux.
« François Ruffin, l’ascension d’un opportuniste. Ses réseaux, ses méthodes, son plan caché pour l’Elysée ». Le titre de l’ouvrage de Mérième Alaoui annonce, d’emblée, la couleur. Dans une interview au Courrier Picard, la journaliste affirme cependant : « je n’ai jamais voulu me payer Ruffin. » Sa motivation ? « En trois ans, François Ruffin s’est imposé comme l’une des personnes qui comptent le plus à gauche, un activiste devenu député et qui a aujourd’hui des ambitions présidentielles. Il me semblait donc important de m’intéresser à ce personnage », explique-t-elle.
Pour construire son récit, la journaliste indépendante passée par RTL, Le Point ou encore Al Jazeera Documentary cite des témoins de tout premier plan, comme Stéphane Séjourné, ex-conseiller d’Emmanuel Macron, directeur de campagne des élections européennes pour LREM et désormais député européen LREM, ou encore Jean-Christophe Cambadélis, ancien Premier secrétaire du Parti socialiste devenu depuis fin observateur de la vie politique. Leurs regards côtoient des témoignages plus anonymes, issus selon l’auteure de « la périphérie de sa galaxie », qui confirment la face cachée de François Ruffin, celle méconnue du grand public.
Un problème avec l’argent
Dans son ouvrage, l’Amiénoise de 38 ans pointe d’abord les maladresses récurrentes, presque chroniques, de François Ruffin. Comme quand il rend hommage au professeur décapité Samuel Paty dans un tweet conclu par les mots « Honte à l’assassin », alors que ce dernier venait à peine d’être abattu par la police. Ou quand il justifie son absence à la manifestation contre l’islamophobie du 10 novembre 2019 parce qu’il a un match de football ce jour-là, cite l’auteure. Mais au-delà des anecdotes, l’enquête aborde surtout un sujet visiblement sensible pour le député de la Somme : l’argent. À en croire Mérième Alaoui, il aurait un problème avec l’argent. Au point qu’à Fakir, le journal qu’il a créé il y a plus de 20 ans, toutes les économies seraient bonnes à prendre.
Pendant longtemps, le journal satirique aurait usé de contrats précaires ou subventionnés. Interrogé sur le sujet par le Courrier picard, François Ruffin précise : « pendant longtemps, ça reposait sur du bénévolat, et des contrats courts avec des paies faibles, pour moi comme pour les autres. J’en parle au passé. Car depuis 2017, l’association est sortie de la pauvreté et de la précarité. Je suis resté bénévole, mais Fakir compte désormais dix salariés et trois pigistes, rémunérés au moins 1500 euros nets pour un temps plein. Elle ne recourt plus aux emplois subventionnés ». Le succès de son documentaire primé aux Césars l’a d’ailleurs contraint à créer une société de production « pour gérer l’énorme manne financière qui leur revenait ». Une situation qu’il aurait aujourd’hui encore du mal à assumer, d’après Mérième Alaoui.
Obsédé par emmanuel macron, et aussi par l’élysée ?
Au fil des témoignages, l’enquête s’intéresse aussi et surtout à la personnalité de l’homme politique, qui renvoie l’image d’un élu proche du peuple et désintéressé, comme le laisse deviner son surnom « Ruffin des bois ». Mais là aussi, derrière les apparences, la journaliste décrit en réalité un chef maniaque, qui « écrit 3/4 des articles du journal ». Ce « n’est pas le patron rêvé », euphémise-t-elle. Mérième Alaoui dénonce aussi une stratégie politique savamment orchestrée : celle de faire des questions socio-économiques des priorités, tout en reléguant les combats sociétaux, comme celui sur l’Islam, au second plan. « Il y a des thèmes qu’il n’aborde jamais ou très peu, qui semblent tabous », affirme-t-elle. François Ruffin préférerait ainsi tout ramener à la lutte des classes, un terrain bien moins dangereux pour se faire élire…
Mais c’est surtout son obsession pour le pouvoir que Mérième Alaoui pointe du doigt. À commencer par celle pour Emmanuel Macron, son « ennemi juré » – ils ont fréquenté le même lycée à Amiens. « J’ai la manie de suivre Emmanuel Macron depuis qu’il est secrétaire général de l’Élysée, cela fait plusieurs années, depuis 2012, et d’accumuler de la documentation sur lui », concède François Ruffin. Et bien loin de l’image d’ovni politique, les témoignages recueillis par l’auteure décrivent au contraire « quelqu’un qui aim[e] tirer la couverture à lui [et] arrive souvent à tirer profit d’une situation ». Un « opportuniste » ? Mérième Alaoui n’hésite pas à prédire sa prochaine candidature à l’élection présidentielle de 2022. Dans les médias, François Ruffin a récemment affirmé au contraire qu’il ne serait pas candidat. Mais cette apparente désinvolture ne laisse, selon l’auteure, plus personne dupe.