Plus de dix mille morts depuis 2015, dont au moins un tiers de civils, une situation militaire qui s’enlise et dégénère en crise humanitaire (plus de 5 millions d’enfants menacés par la famine). Tel est le bilan d’un conflit armé, à mi-chemin entre la guerre civile et la volonté d’annexion, qui se joue en partie avec des armes françaises. Dans l’indifférence générale !

Le conflit au Yémen oppose les rebelles houtis, une minorité tribale chiite soutenue par l’Iran et qui contrôle largement l’ouest du pays, aux forces loyalistes, soutenues par l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, et qui contrôlent certaines parties du territoire au centre et à l’est. D’autres zones sont contrôlées par des milices proches d’Al-Qaïda et de l’État islamique.

Dans ce chaos généralisé, on aura bien compris que ce n’est pas le sort des Yéménites qui prime aux yeux des différents belligérants et que ce qu’il se joue en réalité est une guerre entre des puissances régionales (l’Iran d’une part, l’Arabie Saoudite d’autre part) pour prendre le contrôle d’un pays-carrefour qui contrôle l’accès à la mer rouge et donc au canal de Suez.

L’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, qui ont des troupes sur le terrain et qui prennent une part active (pour ne pas dire hégémonique) pour soutenir leurs alliés loyalistes dans le conflit, sont des alliés de la France. Et comme tout le monde le sait de gros clients du secteur de l’armement hexagonal.

Or, un certain nombre d’ONG, et notamment Amnesty International, ont pu enquêter sur le terrain et ont apporté des preuves que des armes françaises sont utilisées sur le théâtre d’opération yéménite et dressent notamment une liste des dernières ventes d’armements à destination des deux pays : 115 blindés de combat Aravis, 500 fusils de précision (Arabie Saoudite). 29 missiles (Émirats arabes unis). Mais aussi des navires de guerre, des canons Caesar, des blindés Titus et des munitions.

« Pour l’Arabie saoudite seulement, la France a livré en 2017 pour plus de 1,38 milliard d’euros de matériels de guerre, bien plus qu’en 2015 ou 2016 », faisant du pays, « le deuxième client de la France en termes de livraison en 2017 malgré les violations du droit humanitaire par la coalition en conflit au Yémen », dénoncent dans un communiqué commun Amnesty International, l’ONG Acat et l’Observatoire des armements (Obsarm).

À l’heure où les médias américains et allemands prennent à partie leurs dirigeants pour que cessent les livraisons d’armes aux protagonistes de ces massacres de civils, leurs confrères français sont jusqu’à présent d’un silence assourdissant. La situation au Yémen est catastrophique. Au-delà des plus de dix-mille morts officiellement recensés, le pays fait en effet face à une crise humanitaire qui pourrait s’avérer dramatique.

Selon l’ONG Save the Children, plus de cinq millions d’enfants yéménites sont aujourd’hui menacés par la famine à cause de la guerre. L’ONG évoque « une famine d’ampleur sans précédent », alors que l’ONU qualifie la situation au Yémen « de pire crise humanitaire au monde ».

Pendant ce temps, nos missiles tombent sur des villages, nos Mirage bombardent des cibles civiles, nos chars et nos fusils font feu à l’encontre des règles élémentaires des droits de l’Homme. Mais, comme il parait que le business est juteux, il ne faut rien dire. Silence, on tue au Yémen ! Avec des armes made in France.

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