Interdits de donner ou recevoir des organes sains, les patients séropositifs nécessitant une greffe d’organe entrevoient une lueur d’espoir grâce au HUG !
Pionnière dans le domaine de la médecine moderne, la Suisse est une fois de plus à l’origine d’une avancée majeure dans le secteur de la transplantation d’organes. Alors qu’il était encore il y a une semaine quasi impensable d’effectuer une greffe d’organe sur un patient séropositif au VIH, une équipe de chirurgiens helvétiques annonce avoir réussi à effectuer une greffe hétérogène entre deux patients atteints du Sida.
Prouesse notable dans le milieu médical, les chercheurs ont en fait réalisé cet exploit depuis des mois, mais attendaient de suivre l’évolution de la condition du receveur pour publier les conclusions de leurs travaux.
Des marginaux, des parias…
Depuis des dizaines d’années, les institutions médicales de plusieurs pays ont banni les patients atteints de Sida des couloirs de la transplantation d’organes, à cause des risques liés à la transmission à grande échelle du VIH, mais aussi dû au fait que ces patients sous traitements lourds, sont susceptibles de rejeter plus facilement les greffons.
C’est en octobre 2015 que des médecins genevois ont réussi la première greffe de foie au monde entre deux patients séropositifs. Alors que l’infection au VIH est une pathologie compliquée du point de vue génétique, puisque comportant diverses souches toutes les unes différentes des autres, l’équipe suisse a réalisé une véritable prouesse sauvant par la même occasion une vie.
Un miraculé
C’est le 25 avril dernier que les hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont annoncé cette première mondiale, dans l’American Journal of Transplantation et au détour d’une conférence de presse, soit 6 mois après leur réalisation. Deux patients séropositifs traités depuis bon nombre d’années, l’un diagnostiqué en 1989 et l’autre en 1987, ont donc servi de cobayes volontaires pour cette lourde intervention.
Le patient diagnostiqué en 1989 décédé de suites d’une hémorragie cérébrale quelques heures avant la transplantation, sa famille a accepté de céder ses organes pour sauver des vies, et c’est le foie de ce dernier qui allait ajouter quelques années de vie au receveur, Monsieur F. comme il a été surnommé pour des raisons d’anonymat, et atteint d’une maladie du foie très grave. Ce type de procédure restant encore très floue, c’est dans un cadre législatif très spécial que le receveur a été informé de tous les risques qu’il encourait, risques qu’il a accepté de prendre, puisque déjà condamné à passer l’arme à gauche sans greffe urgente de foie. Il était sur liste d’attente pour une greffe depuis deux ans et demi.
Une publication tardive ?
Si certains trouveront le délai d’attente relativement long entre le moment où l’intervention a été réalisée et celui où ses résultats et travaux ont été publiés, il faut savoir que les sujets atteints d’une infection au VIH sont à haut risque. En effet, si les deux patients étaient tous porteurs du virus qui atténue déjà ses défenses immunitaires, le succès d’une greffe dépend également des médicaments anti-rejet que l’on administre au receveur, qui affaiblissent encore plus son système immunitaire.
Outre ce fait, une greffe d’un organe aussi important que le foie pourrait créer des complications chez le receveur, susceptible de se voir transmettre une nouvelle souche du VIH, ce qui réduirait l’efficacité de sa trithérapie. Pour information, le foie est triplement utile car produisant d’une part la grande majorité des protéines dont a besoin notre organisme, deuxièmement principal lieu de réserve du glucose que nous ingérons par l’alimentation et d’autres part représente la principale centrale d’épuration des déchets les plus toxiques de l’organisme.
La greffe est toujours un succès six mois après
Fort heureusement, six mois après sa greffe, le receveur n’a pas connu de résurgence de la charge virale dans son organisme, et de plus, l’organe reçu n’a présenté aucun signe de rejet. Véritable prouesse médicale, cette première greffe de foie sur patient séropositif pave la voie de futures évolutions notables. Pour information, 15% des patients atteints d’une infection au VIH décèdent de suite de complications liées aux pathologies de cet organe.
« Sans cette greffe, je ne serai peut-être plus là aujourd’hui. Je n’ai pas de mots pour remercier les équipes. Ma famille sourit à nouveau à la vie. » C’est par ces mots que conclut le jeune miraculé. Rappelant que si en Suisse ce type de greffe ne concerne que quelques personnes et plus de 500 par an aux Etats-Unis, Alexandra Calmy, responsable de l’unité VIH des HUG a fait remarquer enfin, qu’une greffe analogue a été réalisée avec succès outre-atlantique.
L’équipe médicale ayant mené à bien cette transplantation était composée par la Pr. Alexandra Calmy, responsable de l’unité VIH, le Pr. Thierry Berney, médecin chef du service de transplantation, le Pr. Christian van Delden, responsable de l’unité d’infectiologie de transplantation, et le Pr. Emiliano Giostra, spécialiste des maladies du foie.