Un neurochirurgien avance qu’il est possible de greffer la tête d’un humain, mais qu’en pensent ses confrères ? Est-ce réalisable ?

Le débat rythmera, 2016, 2017 et les années futures: Sergio Canavero, un neurochirurgien italien controversé, dit pouvoir greffer la tête d’un humain sur un corps étranger, et ce avant fin 2017. Il a déjà trouvé son patient, Valery Spiridonov, un russe atteint d’une maladie musculaire dégénérative rare appelée maladie de Werdnig-Hoffmann. Tout dernièrement, Sergio Canavero a de nouveau fait les gros titres en affirmant avoir réussi la greffe d’une tête de singe sur un autre corps, sans pour autant en apporter la preuve, avec l’aide du groupe du professeur XiaoPing Ren, de l’Université médicale de Harbin, en Chine.

En 2016, le neurochirurgien, que l’on surnomme Dr Frankenstein, veut réaliser une greffe de tête sur un défunt, avant de passer à un être humain cette fois bien vivant, en la personne de Valery Spiridonov. Si l’opération a de quoi éveiller la curiosité, on est en droit de se poser la question: est-ce vraiment possible ? Peut-on greffer une tête d’un homme sur le corps d’un autre sans qu’il y est un rejet de l’organe ? Vivre Demain tente d’y répondre.

Comment Sergio Canavero compte-t-il s’y prendre ?

Le 12 juin 2015, le Dr Sergio Canavero présentait son projet devant de nombreux confrères en ouverture de la conférence American Academy of Neurological and Orthopaedic Surgeons, réputée très sérieuse. Il a expliqué comment il comptait ressouder la moelle épinière sectionnée, après l’avoir découpée au moyen d’une lame extrêmement fine permettant de trancher les fibres nerveuses sans les abîmer. Pour accélérer leur rattachement, il envisage d’utiliser un courant électrique.

Que disent ses confrères ?

Pour certains des neurologues les plus chevronnés au monde, la greffe d’une tête reste impossible.

« Si cet homme-là comprend comment fonctionne les régions du cerveau, je suis prêt à le faire venir dans ma ville et dans tous les congrès du monde pour qu’il m’explique ce que nous n’avons pas encore réussi à comprendre » nous dit un neurologue qui a souhaité garder l’anonymat. « Pour moi, c’est juste un scoop. C’est encore très difficile de parvenir à créer et greffer des cœurs artificiels, alors que c’est juste une pompe, qui sert à aspirer du sang et le re-projeter. J’ai du mal à l’imaginer au niveau du système nerveux central. Comment voulez-vous faire cela pour une tête alors qu’on ne comprend pas comment le cerveau fonctionne en grande partie ? Pour le moment c’est encore le cerveau qui a le mieux compris comment il fonctionne. »

Valery Spiridonov, greffe de la tête, Sergio Canavaro

Valery Spiridonov sera le patient de Sergio Canavero

Beaucoup d’obstacles

« Il y a encore beaucoup d’obstacles avant de pouvoir faire ce type de chirurgie. Dans toute [sa] présentation sur la moelle épinière, je pense qu’il y a certaines conclusions qui montrent un espoir… mais quand il s’agit de greffer une tête, il me semble qu’on essaie de brûler beaucoup d’étapes », explique le Dr Marc Stevens, un chirurgien orthopédiste qui était présent à la conférence. « De plus, le nerf pneumogastrique sera difficile à ré-attacher. Il contrôle entre autres la digestion, l’élocution et le rythme cardiaque », continue-t-il.

Selon Jerry Silver, professeur de neurologie à l’Université Case Western, « nous ne sommes même pas près de le faire », étant donné que la technique pour ressouder la moelle épinière décrite par le Dr Canavero n’a jamais été vraiment testée.

Le docteur Ibrahim Obeid, président de l’Institut de la colonne vertébrale et membre de la Clinique du dos, expliquait en mars 2015 que ce projet est « complètement irréaliste ».

Faux espoirs

Quant à Art Caplan, bioéthicien du Centre médical Langone à New York, le neurologue italien donne de faux espoirs: « Si quelqu’un savait faire ce qu’il prétend pouvoir faire nous l’aurions déjà démontré dans des expériences animales et ces recherches auraient été publiées dans des revues scientifiques sérieuses ».

Le Dr Kaplan argumente un peu plus en indiquant: « J’aurais tendance à penser que tout cela est absurde, totalement non-scientifique, infaisable et ridicule ». En effet, il indique que même si une greffe de tête d’un humain était possible, il faudrait utiliser des traitements, toxiques à hautes doses, pour empêcher un rejet de l’organe. Le patient ne pourrait pas survivre bien longtemps.

Avec ce recueil d’avis éclairés de spécialistes sceptiques, on a hâte d’en savoir plus sur les avancées du Dr. Sergio Canavero.

Crédit photo principale : La fiancée de Frankenstein, de James Whale

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Jessica, journaliste aguerrie avec une solide expérience en gestion de projet et rédaction web, est diplômée de Sciences Po en Communication et Médias. Elle capte l'attention par des contenus précis et percutants, couvrant les évolutions médiatiques avec rigueur et clarté. Contact : [email protected].

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