Par sa culture, ses mœurs, ses croyances, la France n’a jamais adopté l’usage du doggy bag, contrairement aux Etats-Unis où il est totalement démocratisé.

Alors que depuis le 1er janvier 2016, le tri et la valorisation des déchets alimentaires sont rendus obligatoires aux restaurateurs, le doggy bag est vivement recommandé. Très populaire outre-Atlantique, cette petite boîte proposée par certains restaurateurs pour emporter le reste de votre repas peine à s’imposer en France, les clients étant gênés et les restaurateurs soucieux de rester discrets. Toutefois, pour diviser par deux le gaspillage d’ici à 2025, comme le souhaite le gouvernement, une entrée dans les mœurs semble inéluctable.

Qui a déjà demandé poliment à un serveur ou une serveuse dans un bistrot parisien chic ou un restaurant quelconque si vous pouviez avoir une boîte en plastique pour prendre à la maison les restes de votre magret de canard ou de votre steak au poivre que vous aviez laissé dans votre assiette ? Cette pratique est totalement démocratisée aux Etats-Unis et ailleurs mais les Français n’ont jamais emboîté le pas aux Américains, la cuisine étant sacrée en France, mais où des tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année.

Question d’éducation et de malentendu avec la loi

L’explication de l’aversion de la France à ramener leurs restes dans un doggy bag s’explique, outre les coutumes, par un malentendu avec la loi, selon les experts.

Comme l’expliquait le site The Local en 2014, les restaurateurs en France essayent depuis les années 1990 à faire entrer le doggy bag dans la culture culinaire française, en vain. Il semble que la culture française elle-même soit le principal obstacle à cette pratique pourtant partie d’un bon sentiment.

Laurent Calvayrac, le fondateur de plusieurs initiatives promouvant l’emballage écologiques, verts, durables, et un partisan du doggy bag, déclarait que ses compatriotes étaient éduqués dès le plus jeune âge à tout manger dans leur assiette. La fameuse phrase entendue pendant l’enfance : « Tu vas finir ton assiette »… « Même maintenant, quand je sors manger, peu importe la portion, je termine tout même si je suis plein » explique le fondateur d’Emballage Vert. Selon lui, « les doggy bags ne sont tout simplement pas adaptés à la façon française de faire les choses. »

Cette sorte de honte de ne pas manger tout ce qu’il y a dans votre assiette s’étend à la crainte d’attirer les mauvais regards d’autres personnes quand vous sortez du restaurant avec un doggy bag à la main. C’est comme oublier de dire merci ou de tenir la porte à quelqu’un, un acte d’impolitesse qui montre un manque d’éducation, explique Calvayrac.

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Crédit photo : London Bio Packaging

Portions dans les assiettes françaises

Mais après avoir vécu cinq ans au Canada, l’homme d’affaires, un ancien garde du corps du gouvernement, a réalisé que ce n’était pas si mal après tout, et il s’est mis à inventer un doggy bag pour le marché français. Bien que l’absence de doggy bag en France et d’autres pays européens comme l’Italie et la Belgique, semble avoir des racines culturelles, elle est également influencée par la taille des portions servies en France.

Puisque les assiettes françaises sont moins remplies d’aliments contrairement aux plats servis dans les restaurants en Amérique du Nord, il y a tout simplement une nécessité moindre pour les doggy bags.

Confusion à propos de la loi

En conséquence, comme le doggy bag est une chose qui se fait rare, les propriétaires de restaurant pensent violer la loi en laissant partir leurs convives avec des aliments cuisinés dans leur établissement.

Jean-Claude Eudes, président du Club de Directeurs de la Restauration d’Exploitation, a exprimé sa compréhension : « Il y a une loi française qui nous interdit de laisser les clients quitter le restaurant avec de la nourriture. Le propriétaire du restaurant est responsable s’il y a un cas d’intoxication alimentaire, et ainsi les clients peuvent déposer une plainte. »

Pour mettre en évidence la confusion qui entoure ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, Laurent Calvayrac a dit que, bien que commune, la croyance selon laquelle les doggy bags sont illégaux est en fait inexacte. « C’est faux, complètement faux. Il y a beaucoup de travail qui reste à faire sur la formation et la conscientisation. Une fois qu’un restaurant a remis de la nourriture à un client, il est déchargé de sa responsabilité », dit-il. « Je pense que les restaurateurs sont peut-être mal-informés dès le départ, et peut-être qu’ils ne réalisent pas pleinement que les gens sont intéressés par les doggy bags. »

Espérons que la médiatisation récente du doggy bag va faire prendre conscience aux français qu’ils peuvent jouer un rôle dans la réduction du gaspillage alimentaire.

Crédit photo principale : Wikimedia – thomas yuan

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Jessica, journaliste aguerrie avec une solide expérience en gestion de projet et rédaction web, est diplômée de Sciences Po en Communication et Médias. Elle capte l'attention par des contenus précis et percutants, couvrant les évolutions médiatiques avec rigueur et clarté. Contact : [email protected].

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