Suite à une décision préfectorale, la société Altéo est autorisée à déverser en mer Méditerranée les rejets industriels issus de l’exploitation d’alumine pour 6 années supplémentaires.
Depuis des décennies, l’usine Altéo (anciennement groupe Péchiney, établi sur place en 1893) de Gardanne dans les Bouches-du-Rhône, rejette en mer des déchets (appelés « boues rouges ») résultant de la production d’alumine par le biais d’une canalisation traversant la garrigue provençale jusqu’à Cassis. Courant sur 48 km, elle s’immerge ensuite en mer sur 7,7 km pour rejoindre le cœur du Parc National des Calanques où elle expulse les fameuses boues rouges à 320 mètres de profondeur. Un comble en plein espace naturel ! Ce sont au total plus de 20 millions de tonnes de sédiments considérés comme toxiques qui se sont accumulés au fil du temps dans la fosse de Cassidaigne. Cette construction date de 1966, une époque où les problèmes environnementaux n’étaient pas vraiment à l’ordre du jour.
Alors que l’autorisation d’exercer cette activité expirait fin 2015, la société avait demandé une dérogation après avoir pris des mesures. Désormais, seuls les fluides transparents sont expulsés et les résidus solides sont stockés à terre. Fin décembre, le Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Technologiques (CSPRT) s’était montré favorable à la poursuite de l’exploitation, suivi par le préfet de la région qui a officiellement autorisé le rejet en mer pour une durée de six ans. Un dossier bien sombre et une décision qui suscite l’indignation.
Eau limpide n’est pas forcément synonyme de propreté
Cet arrêté est d’autant plus scandaleux que les résidus dépasseront toujours les seuils réglementaires. « On nous prend pour des imbéciles ! » a bondit Béatrice de Crozet, présidente du comité écologique de La Ciotat. « Solide ou liquide, c’est la même toxicité ». En prime, la société bénéficie d’exonérations de taxes de pollution et de subventions publiques.
« Je désapprouve cette décision, je n’ai pas du tout changé d’avis, je pense que c’est une mauvaise décision qui est essentiellement suscitée par le chantage à l’emploi », a protesté Ségolène Royal, mettant en cause Manuel Valls en déclarant que « l’ordre est venu du Premier ministre au préfet, direct ».
Premier producteur mondial d’alumine avec plus de 1 000 tonnes exportées chaque jour, Altéo emploie 400 salariés et fait appel à 250 sous-traitants. Au total, 1000 emplois sont concernés.
Le parti écologiste n’a pas été le seul à réagir. Le Professeur Henri Augier, président d’Union Calanques Littoral, considère que c’est « un véritable permis de polluer et de tuer la vie marine » que de poursuivre ces rejets en mer. On ne peut qu’acquiescer. Un avis soutenu par Gérard Carrodano, figure locale et premier prud’homme des pêcheurs professionnels de La Ciotat.
Que contiennent les boues rouges et à quel point sont-elles dangereuses ?
L’extraction d’alumine est faite par dissolution à la soude, un procédé chimique qui engendre non seulement des résidus fortement colorés mais surtout hautement toxiques. On y retrouve du mercure, de l’arsenic, du titane, du plomb, du chrome, du nickel, de l’uranium 238… rien que ça. Sur l’homme, les pathologies qui peuvent résulter de l’exposition aux métaux lourds sont diverses et variées, en particulier en ce qui concerne le mercure. Parmi elles, les maladies neurologiques, psychologiques, dermatologiques, immunitaires, rénales, cardio-vasculaires, rhumatismales, et même le cancer cérébral.
Ce condensé de nocivité a également raison de la désertification des poissons de fond dans cette zone. La préservation des milieux naturels est l’un des enjeux majeurs de ce siècle, hors les conséquences de cette décision vont à l’encontre de ces derniers. « On a fait inscrire un sujet sur l’océan, on a posé la problématique de la gravité des pollutions dans la mer… », a souligné la ministre de l’Ecologie, en référence à la COP21 qui s’est tenue il y a quelques semaines.
Crédit photo principale : Wikimedia – Tobi 87
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