Ce qu’il faut retenir de l’accord sur le climat établi lors de la COP21 à Paris le samedi 12 décembre.
L’accord historique sur le climat adopté à Paris le 12 décembre est en nette rupture avec les années de tentatives inefficaces de réunir les pays industrialisés et en développement dans une lutte unie pour limiter les effets du réchauffement climatique.
L’accord est un tournant pour la politique climatique car il rassemble le monde entier sous le même cadre politique. Il est aussi un succès de la notion de multilatéralisme, et une preuve que les pays ayant des intérêts très différents peuvent se réunir pour aborder une préoccupation commune.
Mais cet accord ne résoudra pas seul le réchauffement climatique. Il ne va pas endiguer la hausse du niveau des océans, ni refroidir les vagues de chaleur extrêmes qui sont de plus en plus répandues. Au lieu de cela, il envoie un signal pour que le monde abandonne progressivement les combustibles fossiles, et aille vers les énergies renouvelables. Il appartient aux militants, investisseurs, inventeurs et futurs dirigeants du monde de s’assurer que cet accord se traduise par de réels progrès.
L’accord conclu, après trois séances de nuit consécutives, est complexe et de grande envergure. « Ce texte, celui que nous avons bâti ensemble, constitue le meilleur équilibre possible, un équilibre à la fois puissant et délicat qui permettra à chaque délégation, à chaque groupe de pays, de rentrer chez soi la tête haute et avec des acquis importants. » déclarait Laurent Fabius lors de la présentation du projet final samedi après-midi.
Nous avons décomposé l’accord en 5 points clés les plus importants:
1. Objectif de température
Le nouvel accord fixe un objectif pour limiter le réchauffement climatique à « bien en dessous de 2 degrés Celsius » au-dessus des niveaux préindustriels et « de poursuivre les efforts pour limiter la hausse des températures à 1,5 degrés Celsius », au-dessus des niveaux préindustriels à 2100.
L’inclusion de l’objectif de 1,5 degrés est une victoire majeure pour les petits Etats insulaires et d’autres pays vulnérables qui font face aux impacts désastreux liés aux changements climatiques, comme l’élévation du niveau de la mer, si le réchauffement va au-delà de 1,5 degrés Celsius. Leur slogan, « 1,5 pour survivre » a été largement partagé tout au long de la conférence sur les réseaux sociaux, et les Etats-Unis, le Canada, l’Union européenne et d’autres pays ont approuvé cet objectif de 1,5 degré comme un objectif ambitieux.
L’accord invite le groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) à préparer un rapport spécial sur les répercussions d’un réchauffement au dessus de 1,5°C et les profils connexes d’évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre, à présenter en 2018.
Le texte de la décision reconnaît que la réduction des émissions engagées jusqu’à aujourd’hui ne sont pas assez significatives pour atteindre l’objectif de température. En fait, les températures sont susceptibles de se réchauffer d’au moins 3 degrés Celsius au-dessus des niveaux préindustriels à moins que les émissions soient réduites rapidement et de manière plus significative qu’il l’est prévu actuellement.
Crédit photo: Flickr – COP PARIS
2. L’effet cliquet
L’accord prévoit un calendrier pour que les pays dressent un bilan de leurs engagements de réduction des émissions et pour faire des promesses supplémentaires, plus ambitieuses. De telles révisions auront lieu tous les cinq ans à partir de 2023, même si un réexamen intermédiaire aura lieu en 2018, avant que l’accord n’entre en vigueur en 2020.
Les Etats-Unis et l’Union européenne entre autres ont demandé un examen en 2018 car il y a une nécessité de réduire rapidement les émissions si le réchauffement climatique doit être limité à l’objectif de température stipulé dans l’accord. En cela, l’effet cliquet implique une interdiction de revenir en arrière sur les engagements pris.
3. L’aide financière
Le financement des pays en développement était un point névralgique dans les négociations, car les pays développés se sont engagés, à Copenhague en 2009 et à Cancun en 2010, à mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, et n’ont pas encore fourni la totalité des fonds jusqu’à présent. Le texte donne en partie satisfaction aux pays en développement, en faisant de ces 100 milliards « un niveau plancher », à partir duquel « un nouvel objectif chiffré collectif » devra être fixé « avant 2025 ».
L’accord appelle également les pays en développement à prendre leurs propres engagements de financement en faveur du climat si elles sont en mesure de le faire, sur une base volontaire.
4. Objectif à long terme
L’objectif à long terme de l’accord est d’envoyer un signal fort aux capitales du monde et aux marchés financiers pour dire que les combustibles fossiles comme le charbon et le pétrole sont sur le déclin, et qu’il doit y avoir une augmentation massive des investissements dans l’énergie propre.
L’accord vise « un pic des émissions mondiales de gaz à effet de serre dès que possible » mais ne donne pas de date butoir pour ce faire. L’accord laisse donc beaucoup de place pour certains pays, comme l’Inde par exemple, pour augmenter leurs émissions de façon significative, tandis que d’autres jouent le jeu pour atteindre cet objectif.
Le texte vise aussi un objectif à long-terme, qu’il faut atteindre après 2050. Il s’agit de mettre le monde dans une situation de « neutralité carbone », c’est-à-dire un état dans lequel toutes les émissions de gaz à effet de serre seront compensées par les « puits de carbone », comme les arbres qui peuvent être activement plantés. L’accord stipule que l’objectif à long terme est de « parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle, sur la base de l’équité, et dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté. »
5. Pertes et dommages
Autres points-clés de l’accord, un sujet polémique, était le financement de l’adaptation au changement climatique, et la juste répartition des efforts entre pays pauvres, pays émergents et pays industrialisés, ces derniers étant tenus pour historiquement responsables du réchauffement. Cela a causé, et c’était prévisible, quelques frictions lors des négociations, en particulier entre les États-Unis, qui étaient contre toute idée qui permettrait d’établir un système dans lequel le pays pourrait être tenu légalement responsable des dommages liés aux changements climatiques, et les pays pauvres.
Le texte recommande « d’éviter et de réduire au minimum » les pertes irréversibles associées à des événements climatiques extrêmes ou à des évolutions climatiques lentes. Il est prévu de développer des approches pour réduire ces pertes. Mais une décision prise dans le cadre de la convention climat fixe les limites: cette reconnaissance « ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation ».
La reconnaissance formelle des dommages du changement climatique est un point crucial de l’accord. « C’est un enjeu d’une importance comparable à la reconnaissance de l’esclavage. Les Etats-Unis craignent que la notion de responsabilité ne donne lieu à des procès. S’ils ont la garantie que ce volet ne donne pas lieu à des poursuites, la clause « pertes et dommages » sera maintenue dans le texte de l’Accord. L’argent ira aux gouvernements, qui pourront l’utiliser pour financer des programmes de santé ou de relocalisation des populations. résume bien François Gemenne, co-auteur de l’Atlas des migrations environnementales.
Crédit photo principale : Flickr – UNclimatechange