La mer Caspienne voit son niveau baisser de manière alarmante, rappelant à beaucoup le triste sort de la mer d’Aral. Les effets de cette diminution sont perceptibles dans toute la région, notamment au Kazakhstan.
En Asie centrale, le recul de la mer Caspienne, la plus grande mer intérieure du monde, suscite de vives inquiétudes parmi les populations riveraines et les écologistes. Les habitants de la région redoutent que la Caspienne subisse le même sort tragique que la mer d’Aral, disparue en grande partie à cause de l’intervention humaine. Azamat Sarsenbayev, documentariste et militant écologiste kazakhe, a d’ailleurs exprimé ces craintes en mai 2024.
L’impact de la baisse du niveau de la mer Caspienne
La mer Caspienne partage ses côtes parmi le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan, l’Iran, la Russie et le Turkménistan. Chacune de ces nations dépend en grande partie de cette étendue d’eau pour la pêche, l’agriculture et le tourisme. Cependant, le Kazakhstan est particulièrement touché par cette baisse des niveaux d’eau en raison de la faible profondeur de sa portion de la mer. Selon l’Institut kazakh d’hydrobiologie et d’écologie, le niveau actuel de la mer Caspienne est de 29 mètres sous celui des océans.
Depuis le milieu des années 2000, la mer connaît un recul constant, atteignant une vitesse alarmante de 23 centimètres par an. Cela a conduit les autorités d’Aqtau, une ville portuaire kazakhe, à déclarer un état d’urgence en juin 2023 en raison des perturbations du commerce et des difficultés d’approvisionnement en eau potable pour ses 250 000 habitants.
Les facteurs du recul de la mer
L’une des principales explications de ce phénomène est le changement climatique mondial. Kirill Osin, directeur de l’ONG environnementale kazakhe Eco Mangystau, pointe du doigt les augmentations de température et la diminution des précipitations. Le résultat est une évaporation accrue de l’eau qui n’est pas compensée par les précipitations.
Les rivières alimentant la mer Caspienne jouent également un rôle crucial dans cette situation. Plus de 140 fleuves se jettent dans la mer, mais les principales artères sont la Volga et l’Oural. Malheureusement, ces cours d’eau connaissent aussi une dégradation accrue. La Volga, par exemple, est victime de la construction de nombreux barrages en Russie. Pas moins de 40 barrages ont été construits, et 18 autres sont en cours d’étude et de construction, réduisant considérablement le débit entrant dans la mer Caspienne.
Une surface réduite d’un quart d’ici 2100
Toutefois, certaines voix contestent l’idée que le débit réduit des fleuves soit le principal coupable. Des scientifiques comme Telman Zeinalov, directeur du Centre azéri pour les prévisions écologiques, et Pyotr Bukharitsyn de l’Institut d’océanologie de l’Académie des sciences de Russie, parlent de fluctuations « naturelles » et « cycliques ». Le niveau de la mer Caspienne a en effet varié au fil des décennies, avec des baisses et des hausses notables.
Néanmoins, une étude réalisée en 2020 prévoit que si les tendances actuelles persistent, le niveau de la mer pourrait baisser de 18 mètres d’ici 2100. Cela aboutirait à une perte d’environ un quart de la surface actuelle de la mer Caspienne, une situation que certains comparent à celle de la mer d’Aral. En conséquence, des milliers d’emplois dans l’industrie de la pêche pourraient disparaître, et de nombreuses personnes seraient forcées de quitter la région en raison de problèmes de santé causés par la désertification et les tempêtes de sable.
L’assèchement de la mer Caspienne aura des conséquences également pour la faune locale. Le nombre de phoques de la mer Caspienne, par exemple, est passé de 1 million au début du XXe siècle à seulement 110 000 en 2024.
Combattre les effets du changement climatique et ses impacts régionaux
La situation actuelle de la Caspienne souligne l’urgence d’actions coordonnées pour minimiser les effets du changement climatique et protéger les ressources naturelles. La collaboration internationale pourrait être cruciale pour concevoir des politiques de gestion de l’eau efficaces, et limiter la construction excessive des barrages qui nuit aux débits naturels des fleuves alimentant cette mer.
Par ailleurs, l’impact sociétal ne peut être ignoré. Les habitants de la région doivent être soutenus pour faire face aux perturbations causées par la baisse du niveau de l’eau, notamment en matière de réallocation des ressources, de maintien des emplois et de prévention des maladies. Les nations riveraines de la Caspienne ont un rôle clé à jouer pour éviter la répétition du scénario désastreux de la mer d’Aral.
Quel avenir pour cette mer intérieure cruciale ? Alors que les effets du changement climatique continuent de se faire sentir globalement, comment les communautés locales et internationales peuvent-elles collaborer pour préserver ce trésor naturel et éviter une tragédie environnementale similaire à celle de la mer d’Aral ?