Dans une dystopie norvégienne qu’on ne pourrait guère imaginer, les saumons d’élevage sont dans un état déplorable. Soumis à un stress intensif depuis l’éclosion jusqu’à l’abattage, ces poissons, génétiquement modifiés pour croître plus vite, ont de mauvaises capacités de survie et subissent des pertes record. Face à ce tableau, la question se pose : jusqu’où l’industrialisation de l’aquaculture peut-elle pousser avant que le coût social, économique et éthique ne devienne insupportable ?
Un constat alarmant
Dans les fermes piscicoles norvégiennes règne un climat funeste. Le taux de mortalité sans précédent de 16,7 % en 2020 a dépassé toutes les prévisions. Près de 63 millions de saumons sont morts prématurément dans les fermes scandinaves, souvent à cause de maladies ou de blessures infligées par des parasites. L’excès d’industrialisation et d’accélération du cycle de croissance de ces poissons a eu un impact dévastateur. Mais que deviennent ces millions de saumons décédés ?
L’ombre du scandale : le « saumon zombie »
Le saumon mort prématurément est généralement transformé en aliment pour animaux ou biocarburant. Cependant, des informations troublantes laissent entendre que des poissons malades au moment de l’abattage, voire déjà morts, pourraient se retrouver dans les assiettes des consommateurs. Cela a soulevé des inquiétudes quant à la probité de certaines pratiques au sein de l’industrie. Malgré l’assurance des experts selon laquelle la consommation de ces poissons ne pose pas de risque pour la santé humaine, l’image de marque de l’industrie en subit un coup sévère.
Les répercussions économiques
Cette situation ne peut que nuire à la réputation de la Norvège, premier producteur mondial de saumon atlantique. Les exportations de saumon ont rapporté quelque 10 milliards d’euros au pays l’an dernier. Le problème n’est donc pas seulement éthique, mais aussi économique. Les petites exploitations, jugées plus vertueuses, se voient également affectées par ce fléau. Comment alors transformer cette réalité en opportunité ?
Améliorations envisagées
Les acteurs de l’industrie sont conscients qu’ils doivent agir. De nouvelles approches sont envisagées, comme l’espacement accru des fermes aquacoles et l’adoption de technologies permettant de filtrer l’eau pour se prémunir contre les parasites. Il est également urgent de garantir le respect des réglementations en vigueur, comme le souligne Even Tronstad Sagebakken, secrétaire d’État au Ministère de la Pêche. Ainsi, des textes législatifs visant le bien-être animal et l’exploitation des mers sont en cours de préparation.
La triste réalité du saumon d’élevage en Norvège nous rappelle qu’il est nécessaire de réévaluer continuellement notre relation avec les êtres vivants et notre responsabilité envers eux. La question finale reste ouverte : sommes-nous prêts à revoir nos pratiques d’élevage dans le but de préserver non seulement le bien-être animal, mais également l’intégrité de notre environnement et la sécurité de nos filières alimentaires ?