Au rythme auquel les lobbies industriels s’accaparent les parts de marché, et avec la déontologie minime qu’on leur connaît, serons-nous tous amenés, à terme, à produire nous-même la plupart de nos denrées alimentaires ?

S’il y a bien un sujet au cœur des préoccupations, c’est l’alimentation et surtout sa qualité. Nombre de scandales alimentaires éclatent régulièrement pour dénoncer certaines pratiques, comme cela a été le cas ces derniers mois sur les conditions d’abattage des animaux ou encore plus récemment sur l’affaire du jambon et du nitrite, un additif qui donne lui donne sa couleur rose et qui serait en lien avec le développement du cancer colorectal. Tout cela, parce qu’il a été décrété que personne n’achèterait du jambon gris. Les tomates de leur côté, si belles et rondes soient-elles sur les étals du supermarché, ont perdu leur saveur au profit des rendements, de la conservation et de l’esthétique. Une pomme non issue de la filière bio subit, quant à elle, 36 traitements chimiques. Tant que l’envie est donnée au consommateur d’acheter, le reste importe finalement peu.

Tout ceci, sans oublier l’érosion des sols et la mainmise sur les graines par le géant de l’agrochimie Monsanto, désormais lié à Bayer. À eux deux, ils comptent bien contrôler toute la chaîne agricole et nous ne sommes pas à l’abri d’une privatisation des graines bio. Ils détiennent déjà, avec les 3 autres grands groupes internationaux de l’agrochimie, 90% des semences. Autre information et non des moindres : le procès contre Monsanto se tiendra d’ici peu aux Pays-Bas. La firme y sera jugée symboliquement pour violations des droits humains, crimes contre l’humanité et écocide.

Standardisation, utilisation à foison des fertilisants, pesticides et autres produits toxiques, viande aux antibiotiques, potentielle dangerosité des OGM… La liste est (bien trop) longue, malheureusement. Face à tous ces abus, qui vont jusqu’à mettre notre santé en péril, il faut se rendre à l’évidence : cela ne va pas aller en s’arrangeant et il va falloir trouver des alternatives durables. Ces dernières années, l’indépendance alimentaire prend de l’ampleur et au vu des tristes constats qui s’accumulent, elle pourrait se généraliser et s’imposer dans nos foyers, par prise de conscience collective ou par nécessité.

Virage industriel : un fléau pour l’agriculture

Chaque année, 26.280 espèces de plantes ou d’animaux seraient anéanties du fait des activités humaines, soit une toutes les 20 minutes. En cause notamment : la dégradation de l’habitat, la déforestation, la diffusion d’engrais chimiques et de pesticides, la sur-exploitation dans son ensemble (surpêche, sur-labourage des terres arables, sur-pâturage…).

L’érosion alimentaire est un sujet environnemental majeur, mais pour autant elle ne figure pas au centre des priorités de la communauté internationale. Menaçante pour les écosystèmes, elle l’est aussi pour la vie humaine, altérant les conditions économiques et sociales de la population et laissant progressivement les agriculteurs sans terres fertiles pour produire leurs aliments de base. Les pesticides créent simplement l’illusion de compenser le massacre, en le finalisant. Quant aux fruits et légumes, les voilà dévitaminés. En suivant le même tempo, qu’en sera-t-il dans 100 ans ?

Masanobu Fukuoka a dit un jour :

« L’agriculteur est devenu trop affairé quand on a commencé à étudier le monde et à décider qu’il serait « bon » de faire ceci ou cela. Toute ma recherche a été de ne pas faire ceci ou de ne pas faire cela. Ces trente années m’ont appris que les agriculteurs se seraient mieux trouvés de ne presque rien faire du tout ».

Tout est dit… Dans le reportage édifiant qui suit, où interviennent deux biologistes activistes, découvrez comment l’agriculture moderne détruit la fertilité des sols au nom de la productivité et de la rentabilité :

Entamée dans les années 40 avec la Révolution verte, cette dégradation des sols a mené progressivement à une dépendance aux semences industrielles. Une opportunité de choix pour les multinationales de s’accaparer doucement mais sûrement le patrimoine génétique végétal de la planète. Sans compter qu’en France, mis à part pour les semences protégées par un Certificat d’Obtention Végétale (COV) comme le blé, les pommes de terre, la plupart des haricots, les plantes fourragères et les pois, les agriculteurs ne peuvent pas réutiliser leurs propres semences. Ils sont de plus contraints de se limiter aux semences figurant sur le catalogue officiel, sans quoi ils risquent 450€ d’amende par variété. Leurs chances sont donc nulles de cultiver des variétés potagères rustiques. Or, ce sont justement ces dernières qui possèdent la plus grande diversité génétique, les rendant résistantes et adaptables aux terroirs ainsi qu’aux changements climatiques.

Depuis 1955, 80% des espèces végétales comestibles ont disparu de ce fameux catalogue. Les maraîchers devront-ils devenir des « hors-la-loi » pour pouvoir se/nous nourrir correctement ? En plus, avec le temps, les semences de ferme et paysannes deviennent de plus en plus difficiles à obtenir. En d’autres termes, nos paysans sont pris à la gorge et nous, consommateurs, entrons dans ce tourbillon dévastateur ! Il est vraiment temps d’inverser la tendance avant de finir par ne manger plus que des fruits et légumes chimiques, toxiques, sans saveur ni intérêt nutritionnel (ou si peu).

Ce film, intitulé « La guerre des graines », vous en apprendra davantage sur le sujet :

Les plats préparés : l’autre bête noire du circuit industriel

Pensés pour les gens pressés, qui gagnent certes du temps d’un côté, mais y perdent de leur capital santé de l’autre, les plats préparés font partie des pièges du siècle. Appauvris en vitamines et minéraux du fait des différents processus d’élaboration, ils sont aussi avares en protéines, si bien qu’ils ne couvrent pas nos besoins nutritionnels. Par contre, leur richesse en sel, sucre, conservateurs et additifs n’est plus à démontrer, sans parler de la présence des non moins sympathiques nanoparticules…

Compétition économique oblige, les industriels proposent les plats les moins chers pour rester dans la course, au détriment de leur qualité. Frais, surgelés ou en conserve, tous sont montrés du doigt. Au menu de cette malbouffe, un boom de pathologies lourdes et insidieuses tels que cancers, maladies cardio-vasculaires, malformations néonatales, maladies auto-immunes, maladies neurodégénératives, obésité, diabète, allergies et autres maladies chroniques. Aujourd’hui, 45% de la population française est malade à cause de ce type d’alimentation. Et tout cela, avec la bénédiction des pouvoirs publics.

Business, écosystème et santé ne font résolument pas bon ménage

Ces aberrations sanitaires sont loin d’être exhaustives, et ne sont pas prêtes de toucher à leur fin. Jointes bout à bout, elles finiront probablement par mener le consommateur vers le dégoût, l’overdose. La terre et la vie se dégradent tous les jours un peu plus, et à moins d’un revirement complet de situation (ce qui semble vraiment peu probable), l’urgence est à l’action pour freiner tous ces processus destructeurs. Il en va de l’intérêt de chacun de se pencher sur cette question : « N’est-il pas vital de revenir à un mode de consommation plus sain, quitte à se priver de certaines choses non-indispensables ? ».

Jardin bio, auto-production alimentaire

Crédit photo: Flickr – hardworkinghippy

Comme il est légitime de se demander s’il y a encore un intérêt à fréquenter les grandes surfaces, leur boycott apparaît comme un acte de bon sens. Sans doute que dans un avenir proche, beaucoup de consommateurs voudront (ou devront, par la force des choses) apprendre à réaliser leurs propres cultures (ou les diversifieront, pour ceux qui s’y sont déjà mis), à élever leurs propres poules, ne serait-ce que pour des raisons de santé évidentes. Des cultures saines et sans polluants, cela va sans dire. Pourvu que l’on n’aille pas vers une interdiction des potagers privés… ce serait le couperet final !

Les agriculteurs se devront eux aussi de faire un choix en leur âme et conscience (et certains se sont heureusement déjà réveillés) : rester dans la culture conventionnelle ou opter pour l’agroécologie ou la permaculture pour éviter de voir leurs champs devenir infertiles. Pour vous renseigner sur ces modes de culture, jetez un œil à cet article écrit par Cyril Dion, co-réalisateur du film documentaire « Demain ».

À lire aussi : Agriculture urbaine : des enjeux écologiques, économiques et sociaux

Terminons sur l’une des nombreuses et pertinentes citations de Pierre Rabhi, un grand homme à la fois philosophe, paysan et pionnier de l’agriculture écologique en France :

« Désormais, la plus haute, la plus belle performance que devra réaliser l’humanité sera de répondre à ses besoins vitaux avec les moyens les plus simples et les plus sains. Cultiver son jardin ou s’adonner à n’importe quelle activité créatrice d’autonomie sera considéré comme un acte politique, un acte de légitime résistance à la dépendance et à l’asservissement de la personne humaine. »

Crédit photo principale : Pixabay – jf-gabnor

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Jessica, journaliste aguerrie avec une solide expérience en gestion de projet et rédaction web, est diplômée de Sciences Po en Communication et Médias. Elle capte l'attention par des contenus précis et percutants, couvrant les évolutions médiatiques avec rigueur et clarté. Contact : [email protected].

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