À la surprise générale, l’Egypte annonce avoir réussi à créer une forêt de toutes pièces au beau milieu d’un désert.
Les plantes sont le salut de l’humanité. Comestibles, sources d’oxygène et d’ombre, origine première des principes actifs des médicaments, ces êtres vivants, ces machines biologiques, sont plus que jamais en proie à une vague de destruction massive qui touche tous les continents sans exception. En effet, en l’espace de trois décennies, certains pays notamment africains, ont perdu plus de la moitié de leur capital forestier. Si quelques nations telles que le Costa Rica (qui est un réel théâtre de l’évolution écologique en passant) sont bien décidées à endiguer le phénomène de déforestation depuis 20 ans, d’autres, elles, cherchent des solutions pour boiser leurs territoires.
C’est le cas de l’Égypte, ce pays situé à l’Est du continent Noir, au-dessus de la Corne d’Afrique, dont une certaine partie de son désert a été boisée. Personne n’aurait soupçonné ces zones capables d’abriter des plantes, et l’Égypte l’a fait et participe à sa façon à repousser l’avancée du désert.
Un pays, deux déserts « géants »
L’Egypte est un pays foncièrement désertique. En effet, une petite étude de sa géographie fait rapidement comprendre que plus de 80% de sa population se concentre aux abords des vallées et delta du Nil, le fleuve mythique qui participe à sa façon à adoucir les températures côtières. En effet, depuis des centaines d’années, le pays est divisé en deux parties, la Basse-Égypte et la Haute-Égypte, par référence au flux du Nil.
Pourquoi les populations s’amassent-elles sur les côtes alors que le pays dispose d’un immense territoire ? Tout simplement à cause du fait que le désert représente plus de 95% de la surface territoriale de l’Egypte.
Pays le plus peuplé du monde Arabe, l’Egypte compte 90 millions d’habitants (en 2015), qui se partagent un territoire de 1 001 450 de km². Cependant, ce pays est principalement sec, aride et désertique, et renferme sur son territoire deux immenses déserts. Le premier, le désert Libyque qui s’étend des rivages de la mer Méditerranée au Nord jusqu’à la frontière entre l’Égypte et le Soudan au Sud, couvre une surface de 700 000 km², ce qui représente plus des deux tiers de la superficie totale du territoire égyptien. Le second, le désert arabique, qui occupe la moitié du tiers territorial restant avec 261 392 km² de superficie, est situé plus à l’Est du pays à l’extrémité Nord-Est du Sahara.
Les 90 millions d’âmes n’ont donc que 40 000 km² de terre où vivre et asseoir leurs activités. À titre de comparaison, il s’agit presque de la même superficie que la Suisse et les Pays-Bas, qui disposent respectivement de 8 et 18 millions d’habitants. Autant dire combien la démographie est démesurée en Egypte, et surtout combien, le pays a besoin d’espaces viables, ce qui passe avant tout par la création de zones non désertiques. Une autre approche plus réaliste (car impossible pour l’Egypte d’étendre son territoire), consisterait à transformer les zones désertiques en zones viables et c’est cette option que certains scientifiques du pays ont choisi.
Une révolution verte à 2 heures du Caire
Face à l’avancée du désert, l’Egypte lança en 1990 un programme visant à reboiser 36 zones ultra-hostiles et au climat extrême. Le pays qui aujourd’hui récolte les fruits de ses efforts, annonce que 200 hectares de terres désertiques ont été transformés en forêt. Baptisée forêt de Sérapium, le bijou écologique égyptien regorge de nombreuses espèces d’arbres notamment l’eucalyptus ou l’acajou, dont le potentiel naturel et commercial n’est plus à démontrer.
Pour parvenir à un tel résultat, les scientifiques égyptiens fonctionnant de concert avec des pionniers occidentaux de l’écologie, ont dû faire face à de nombreux dilemmes. En effet, pour faire pousser des plantes et de surcroît une forêt dans un désert tel que le Libyque, il faut avoir à sa disposition d’énormes quantités d’eau. Certes le pays dispose d’importantes ressources hydriques notamment le Lac Nasser ou le Nil, mais aussi des ouvertures directes sur les mers Rouge et la Méditerranée, mais il aurait fallut choisir entre reboiser un désert (sans garantie de résultat), et fournir de l’eau potable à boire à 90 millions de personnes, ainsi que de quoi cultiver.
Fort heureusement ils ont opté pour une solution plus radicale, très bien pensée et épargnant les réserves d’eau potable, consistant à utiliser les eaux usées des populations contenant l’essentiel des nutriments (phosphates, azote et nitrates) dont les plantes ont besoin pour évoluer en toute sérénité.
Encore fallait-il trouver un moyen de faire parvenir les eaux usées des populations de la côte au cœur du désert. Pour remédier à ce problème les scientifiques ont mis en place un système d’irrigation particulier.
Un plan de Jojoba
L’irrigation, la clé du boisement de la forêt de Sérapium
Le succès du projet écologique est en grande partie dû à la proximité de la ville d’Ismaïlia proche du désert, et dont les eaux usées des populations ont servi à l’alimentation des pousses d’arbres.
Captée dans le bassin de drainage des eaux usées, cette eau est traitée en surface, puisque essentiellement dépourvue des déchets, de la saleté et des résidus organiques. Une fois ceci fait, ce sont d’énormes tuyaux d’approvisionnement qui l’acheminent vers le cœur de la forêt naissante, puis des gaines de taille plus contenue se dispersent le long des layons et rangées d’arbustes pour alimenter les plants.
Peu d’informations ont filtré sur la composition réelle de cette eau magique, mais les scientifiques ont noté un fait impressionnant, lorsqu’en Europe les mêmes plants nécessitent 30 ans voire plus pour atteindre leur taille adulte, grâce à l’eau usée d’Ismaïlia, les arbres de la forêt de Sérapium n’en ont mis que 15.
Des perspectives écologiques et économiques
Il ne faut cependant pas se leurrer, puisque si l’Egypte a bien accepté de financer en partie ce vaste projet de boisement désertique, le pays lorgne également sur les apports futurs que la maîtrise du procédé peut rapporter à son économie. On parle là de l’exploitation forestière, qui serait à même de rapporter une manne non négligeable au pays, quand on tient compte du fait que plus de 800 000 km² de son territoire désertique sont potentiellement transformables en forêts.
Hélas, pour l’instant ce doux rêve ne peut être concrétisé, le pays manquant de ressources pour créer un réseau plus vaste de canalisations et de stations de pompage d’eaux usées des villes vers les différents déserts en chantier. On parle là du transport de 7 milliards de mètres cubes d’eaux usées.
Sources : Deutsche Welle et Inhabitat
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