CIpB, la protéine qui pourrait guérir les troubles alimentaires
L’origine des troubles du comportement alimentaire reconsidérée : l’anorexie mentale, la boulimie ou l’hyperphagie sont des troubles du comportement alimentaire (TCA) qui touchent 15 à 20% de la population, formes atypiques ou moins bien définies comprises, sans qu’aucune cause biologique n’ait été établie. Et si ces désordres alimentaires n’étaient pas seulement psychologiques ? C’est ce que révèle une étude de l’INSERM publiée le 7 octobre 2014, mettant en cause une protéine produite par certaines bactéries intestinales, susceptible d’entraîner une dérégulation de la prise alimentaire.
Le microbiote intestinal : un système bien complexe nécessaire à notre survie
Pas moins de 100 milliards de bactéries tapissent les parois intestinales, constituant le microbiote (ou flore intestinale). Nous vivons en totale harmonie avec ces bactéries et notre organisme les tolère normalement parfaitement bien. Cependant, des perturbations de cet écosystème ultra complexe peuvent survenir, impactant directement sur le développement de maladies telles que l’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie, mais aussi sur la survenue de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ou encore de l’obésité.
Des liens entre l’intestin et le cerveau : la protéine ClpB pointée du doigt
Notre comportement cérébral peut être influencé par la ClpB, une protéine bactérienne fabriquée notamment par une bactérie naturellement présente dans l’organisme : Escherichia Coli. La ClpB mime parfaitement l’hormone de satiété (la mélanotropine) sécrétée par l’hypophyse et envoie ainsi de mauvaises informations au cerveau.
En présence de la ClpB, le système immunitaire est trompé : des cellules anticorps sont produites par l’organisme pour tenter de la contrer. En parallèle, la ClpB et la mélanotropine vont s’associer du fait de leur ressemblance et ainsi influencer nos envies alimentaires. Cet affrontement va fortement perturber les effets de l’hormone de satiété, entraînant selon les cas, soit une sensation de satiété prématurée (anorexie), soit des périodes récurrentes de fringales incontrôlables (boulimie ou hyperphagie).
Comment les expérimentations ont-t-elles été menées pour arriver à ces conclusions ?
Afin d’étudier une certaine réponse immunologique et comportementale, les chercheurs ont modifié la composition de la flore intestinale de souris en leur administrant la protéine ClpB. Ils ont observé des conséquences directes sur la prise alimentaire des rongeurs, montrant soit une stimulation de la faim, soit un appétit coupé. Les facteurs expliquant pourquoi les pôles sont inversés en fonction des cas restent toutefois à déterminer.
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Pourquoi certaines personnes sont plus fragiles que d’autres ?
Une sensibilité accrue au stress émotionnel favorise la prolifération d’Escherichia Coli, ce qui entraîne une activation des protéines. La muqueuse intestinale perd de sa perméabilité, les protéines traversent la muqueuse intestinale et libèrent ainsi leur nocivité.
De nouvelles perspectives pour corriger les variations de prise alimentaire
Ces découvertes sont non seulement prometteuses pour mettre sur la piste d’un diagnostic, mais représentent aussi un espoir en terme de traitement. Un test sanguin est en développement pour détecter cette fameuse protéine ClpB, et la mise en place de thérapies médicamenteuses personnalisées (antibiotiques, probiotiques, etc) sont évoquées pour contrer les troubles alimentaires.
La vraie bonne nouvelle serait de pouvoir neutraliser la protéine ClpB, ce sur quoi travaillent aussi les chercheurs. En tout état de cause, l’objectif est tout au moins de moduler l’équilibre des bactéries pour réduire les TCA. Il ne faut toutefois pas omettre que les troubles du comportement alimentaire sont associés à des désordres psychologiques qu’il ne faut pas négliger et donc traiter en parallèle. La science faisant son œuvre, l’espoir est permis quant au contrôle de maladies encore incomprises. Il faut cependant être patient car cela prendra sans doute des années.
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