La piste transamazonienne, reliant le Pérou à l’Atlantique, symbolise la perpétuelle opposition entre le développement et la préservation de la nature
L’autoroute Trans-amazonienne (ou BR-230) est une route de près de 5000 km qui traverse le cœur de la forêt amazonienne, couvrant le Brésil de la ville côtière de João Pessoa, dans le nord du pays, jusqu’à la frontière avec le Pérou. C’était l’un des programmes de développement économique les plus ambitieux jamais conçu, mais aussi l’un des plus grands échecs. Il visait principalement à diminuer l’isolement des régions.
Le projet vit le jour dans les années 1970, lorsque le Général Médici, alors président du Brésil (1969-1974), visita le Nord-Est du pays, très pauvre et souffrant à l’époque de sécheresses récurrentes. Ce qu’il vit le bouleversa profondément. La réforme agraire, une solution évidente à la détresse des paysans, était hors de question parce que le militaire qui gouvernait alors le pays dépendait trop du soutien des propriétaires fonciers, et il n’y avait aucun moyen de convaincre les riches propriétaires terriens de se séparer de la moindre fraction de leurs terres au profit de la population rurale pauvre. Le Général Emílio Garrastazu Médici décida à la place de relocaliser les pauvres.
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Il fut décidé qu’une route à travers la forêt tropicale permettrait au gouvernement brésilien de coloniser la jungle pour exploiter cette gigantesque région, tout en offrant aux paysans du Nord des terres à cultiver et des emplois pour les pauvres. Les promoteurs étaient convaincus qu’au début des années 1980, la région serait animée grâce à l’installation de dix millions de personnes.
Échecs économiques et sociaux
Selon les plans officiels, il était prévu que soit donné des parcelles de 100 hectares de terres, un salaire correspondant à six mois, et un accès privilégié aux prêts agricoles, en échange de la colonisation de la région le long de la route et la conversion de la forêt tropicale environnante en terres agricoles. Il était également prévu que ces familles approvisionneraient le marché intérieur avec des millions de tonnes de haricots, de riz et de maïs, ainsi que de générer des millions de dollars grâce à l’exportation de café, de cacao, de poivre, d’oranges et d’autres cultures.
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Le projet fut bâclé, se souciant peu de la préservation de l’écologie fragile de la forêt amazonienne. Il s’est avéré que le sol de l’Amazonie se composait essentiellement de sédiments, rendant la chaussée instable et assujettie aux inondations lors de fortes pluies. Avec une route inutilisable six mois chaque année, les « colons » furent bloqués dans leur terre, n’ayant d’autre choix que de laisser pourrir leurs récoltes.
En outre, les rendements de la récolte furent décevants puisque la couche fertile du sol amazonien est mince, et ses éléments nutritifs s’épuisent rapidement. Ainsi, de nouvelles parcelles de forêt ont dû être abattues chaque année menant à une déforestation rampante.
Échecs écologiques et environnementaux
En plus des échecs économiques et sociaux, les dégâts environnementaux à long terme furent eux aussi dévastateurs. A la suite de la construction de l’autoroute Transamazonienne, la déforestation au Brésil a atteint des niveaux jamais vus auparavant. Au fil des ans, les forêts vierges ont fait place à des ranchs de bétail, des stations d’exploitation forestière et des mines d’or. La déforestation de l’Amazonie, provoquée par la route, n’a cessé jusqu’à aujourd’hui. Durant les périodes les plus extrêmes de ce « phénomène » dans les années 1990 et au début des années 2000, plus de 25 000 kilomètres carrés de forêt ont été supprimés par an.
Chose incroyable, le projet n’a duré officiellement que jusqu’en 1974, quand il fut finalement abandonné. Sauf qu’en 4 ans, 20 000 familles s’étaient installées dans la région, et le gouvernement retirant son soutien, elles se sont retrouvées dans une misère abjecte. A part quelques sections, la route est aujourd’hui très peu utilisée, voire pas du tout. Certaines parties de la Transamazonienne sont en asphalte, mais la majorité n’est composée que de terre recouverte d’une fine couche de gravier qui est incapable de résister aux pluies torrentielles qui s’abattent sur l’Amazonie de novembre à avril. Pendant cette période, les sections non goudronnées de la route sont impraticables.
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Quand un rêve (irréalisable) en nourrit d’autres
Dernièrement, le gouvernement brésilien a eu un regain d’intérêt pour goudronner l’autoroute. Aujourd’hui, on peut apercevoir des véhicules de chantier traversant la route et transportant de la terre et du gravier pour préparer les travaux de goudronnage. Il est difficile de dire combien de temps il faudra pour couvrir l’ensemble de l’autoroute Trans-amazonienne et quel en sera le coût.
Malgré toutes ces désillusions donc, le « rêve amazonien » est toujours d’actualité. En 2005, une autre route transamazonienne suscite l’engouement des pouvoirs économiques : « l’Interocéanique », qui reliera Rio de Janeiro à la côte Péruvienne, en passant par la Bolivie. Plus large que la transamazonienne, mais tout aussi néfaste et dévastatrice pour l’environnement. On n’en doute pas une seconde, un bras de fer sans fin aura lieu entre les Indiens et le gouvernement brésilien. Affaire à suivre…
Crédit photo – Hans Silvester
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Sources : Nature, Wikipedia, Mixcity, Murder Is Everywhere, New Internationalist Magazine