Face aux premières vagues de la pandémie de Covid-19, les entreprises et l’État ont fait preuve de solidarité réciproque afin de limiter les conséquences de la crise. Cette période a également permis de constater la forte dépendance de la France vis-à-vis des importations et d’accélérer la relocalisation de certaines activités stratégiques.

Comme chaque nouveau président-élu américain, Joe Biden a reçu en début d’année le très attendu rapport de prospective de la CIA (Central intelligence agency) sur les 20 années à venir. Dans cet ouvrage intitulé « Le Monde en 2040 vu par la CIA », les auteurs envisagent un monde plus contesté, plus fragmenté, dans lequel les États-nations seraient de moins en moins considérés comme des remparts et de plus en plus remis en question du fait du réchauffement climatique, de la croissance démographique et de l’urbanisation galopante.

Monde fragmenté et contesté versus interventionnisme et « coalitionisme »

Peut-on en dire autant pour la France ? Pour la communicante et directrice générale adjointe d’Havas Paris Mayada Boulos, le tableau est aujourd’hui moins sombre et la crise sanitaire aura eu malgré tout la vertu, en tout cas dans l’Hexagone, de montrer l’interventionnisme nécessaire de l’État et l’efficacité des partenariats privé-public, parlant même de « coalition » entre les deux. D’un côté, l’État français est venu massivement en aide aux entreprises via divers dispositifs ; de l’autre, de nombreuses entreprises ont mis leur ressources à son service pour parer à l’urgence de la situation.

« En bouleversant tous les champs socio-économiques sans discrimination, le Covid-19 semble produire une convergence aiguë d’intérêts entre entreprises et politiques, écrit Mayada Boulos dans l’Opinion. Il en résulte un saisissant phénomène de légitimation réciproque. Invalidant de facto le schéma de la start-up nation, où les frontières entre les rôles respectifs semblaient s’effacer, chacun semble cette fois bien avoir besoin de l’existence de l’autre ». Et de conclure que « le coalitionisme sera peut-être ainsi, dans les années à venir, l’une des clés pour répondre aux enjeux climatiques et environnementaux ».

Quand les entreprises se mobilisent en urgence

En témoignent les opérations d’urgence lancées par de nombreux fleurons de l’économie française au moment où les hôpitaux manquaient de tout. On pense notamment au pont aérien inédit mis en place par l’État français avec l’aide de LVMH pour acheminer 10 millions de masques entre la Chine et la France en mars 2020. Le champion français du luxe avait également mis ses usines à disposition pour produire des blouses, des gants ou encore du gel hydroalcoolique, tout comme Dior, Pernod Ricard ou Tereos.

Autre exemple de partenariat privé/public : devant un regain du virus à l’automne 2020, un consortium, créé par les marins-pompiers de Marseille, la société française OpenHealth et l’entreprise suisse SICPA, a mis en place en début d’année 2021 un protocole permettant de prélever et d’analyser les eaux usées, une pratique stratégique pour la recherche épidémiologique et dans le cadre de la lutte contre le covid-19. Avec à la clé, une plateforme de traitement et de restitution en temps réel des résultats accessibles par les autorités, afin d’aider ces dernières à prendre des mesures d’urgence adaptées. Sans oublier la mise en place de nombreuses task forces, comme celle mise en place gratuitement par le réseau d’écoles Epitech, regroupant 5 500 étudiants sur une vingtaine de campus dans le monde, pour venir en aide aux entreprises généralisant pour la première fois le télétravail.

La relocalisation, sujet incontournable de la présidentielle 2022

Ce coalitionisme ne s’arrête pas là. La crise sanitaire a également souligné la nécessité des États – la France la première – à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement et à relocaliser les productions. Cette tendance du retour au Made in France a franchi un cap supplémentaire depuis le début de la pandémie, avec la relance de filières d’activité qui avaient depuis longtemps quitté le territoire hexagonal. Si l’équipementier Le Coq Sportif a poursuivi le rapatriement de ses lignes de production dans l’Aube, d’autres comme Thomson Computing ont commencé à relocaliser une partie de leur production d’ordinateurs, jusque-là entièrement fabriqués en Chine. Même trajet retour pour les jouets Lunii, qui ne sont désormais plus fabriqués en Asie mais à Bayonne, pour le paracétamol du sous-traitant pharmaceutique Seqens, qui a inauguré une nouvelle usine en Isère, ou encore pour le fabricant de vélos électriques O2Feel, qui a relancé une unité de production dans les Hauts-de-France.

Le thème de la relocalisation est tellement porteur qu’il s’invite régulièrement dans la campagne présidentielle. Tous les candidats déclarés ou presque en aurait fait la promesse, à commencer par Arnaud Montebourg, chantre autoproclamé du Made in France, mais aussi Yannick Jadot, qui veut passer par la commande publique et une TVA réduite pour favoriser les productions locales, Anne Hidalgo ou encore Jean-Luc Mélenchon. « Il est évidemment indispensable de continuer à échanger avec d’autres pays, mais il n’est pas concevable que nous en dépendions pour nous nourrir, nous fournir du Doliprane ou des masques en tissus », a déclaré le leader de La France Insoumise le 18 novembre au…salon du Made in France.

Face aux urgences sociales, économiques, sanitaires ou environnementales, l’État (providence) a toujours une carte à jouer dans le cadre de partenariats privé-public renforcés.

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