Alors que l’option militaire au Mali a été jusqu’ici un cautère sur une jambe de bois, Aliou Diallo propose de changer d’angle d’attaque pour sortir définitivement son pays de la crise. Le mal étant plus profond qu’on ne le croit, il préconise une batterie de solutions plus réalistes, dit-il. Ces propositions sont soutenues par un ambitieux plan Marshall pour le Mali.
Les armes ont montré leur limite face au terrorisme
Après huit ans de conflits dans le nord et le centre, le Mali court désormais le risque d’une « Afghanisation », ou plutôt d’une « Somalisation » de son territoire. Les forces étrangères sur son sol depuis plusieurs années n’ont pas réussi à chasser les terroristes du pays et à ramener à la raison les indépendantistes Touaregs. A forces d’échecs, les relations entre le Mali et la France se sont détériorées. Paris souhaite désormais retirer progressivement ses soldats de l’opération Barkhane.
Le président fondateur d’ADP-Maliba pense qu’il ne servira à rien de miser uniquement sur l’option militaire, qui plus est, en comptant sur des forces étrangères. « Si la guerre contre le terrorisme se gagnait par les armes, les Américains seraient sortis victorieux des conflits en Irak et en Afghanistan, et les Français maîtriseraient aujourd’hui la bande sahélienne », souligne-t-il. Pour lui, la réalité est beaucoup plus complexe car le Mali vit une crise multidimensionnelle. Celle-ci trouve ses racines principalement dans les problèmes économiques et sociaux. L’ex député de Kayes relève en premier lieu le sentiment d’abandon qu’éprouvent certains de ses compatriotes, particulièrement dans le nord et le centre.
Quand les terroristes se substituent à un Etat défaillant
Or, « la nature a horreur du vide, et quand l’Etat n’est plus en mesure de répondre aux besoins les plus élémentaires des populations, des hors-la-loi de quelque sorte que ce soit, s’y substituent », concède Aliou Diallo. En bons samaritains, les groupes armés distribuent ainsi des vivres et des médicaments ou assurent la protection des communautés ralliées. « Aussi révoltant que cela soit, les terroristes se substituent à l’Etat… et font mieux que le gouvernement pour répondre aux besoins de base des populations en certains endroits du pays», constate amèrement l’entrepreneur. Pour les jeunes en particulier, « pas d’emploi, pas de perspective » d’avenir. Ils sont obligés de céder aux « sirènes de tous les fanatismes », c’est-à-dire au terrorisme.
D’autres jeunes préfèrent prendre le chemin de l’immigration clandestine vers l’Europe. Un choix tout aussi suicidaire au regard des conditions du périple. Cette situation est d’autant inacceptable que cette jeunesse est sacrifiée par une « classe politique sans vision, sans boussole, qui ne s’accroche aux postes et aux honneurs que pour les avantages qu’eux et leurs proches peuvent en tirer », se désole Aliou Diallo. Selon lui, les élites sont à l’origine de la décadence actuelle à cause des vices qu’ils répandent dans la société. A savoir la corruption, la gabegie, le népotisme, les détournements de fonds, les compromissions honteuses, les magouilles, etc. Toutes ces tares hypothèquent l’avenir de toute une génération.
Opposer l’amour et la piété à la haine et la violence
Pourtant, « la jeunesse demande simplement qu’on lui donne une chance de pouvoir écrire son destin. Cette demande aussi fondamentale que de pouvoir respirer lui est refusée depuis des décennies », s’offusque l’ex député de Kayes. Face à la faillite morale des dirigeants maliens, le philanthrope appelle ses compatriotes à opposer les valeurs qui sont siennes depuis toujours : la piété, la foi le respect de la vie, l’amour d’autrui, l’honnêteté, le travail, entre autres. Ces vertus désarçonneraient tous ceux qui travaillent au délitement de la nation malienne, même les terroristes.
En plus de ce retour aux sources, Aliou Diallo appelle « à un dialogue renforcé avec les chefs religieux et les chefs traditionnels pour sortir son pays de la crise. Ces leaders seraient des représentants légitimes du peuple. Ils auraient la capacité de reprendre l’ascendant moral sur les groupes armés en s’appuyant sur la morale, les valeurs traditionnelles et l’Islam. Celui qu’on appelle le « chantre du consensus et du rassemblement » avait déjà recommandé, maintes fois, de missionner ces autorités locales pour entamer un dialogue plus constructif avec les groupes armés. Ce message est sur le point d’être entendu.
Un Plan Marshall pour reconstruire le Mali
En outre, et surtout, Aliou Diallo souhaite régler définitivement le problème du chômage et de la misère, ferments du terrorisme. Cela par l’emploi. « L’emploi est la clé qui permettra de débloquer une fois pour toute la crise malienne. Dans le Nord et le Centre bien sûr, mais aussi à Bamako et dans tout le pays », a analysé le PDG d’Hydroma, pionnière mondiale de l’exploitation de l’hydrogène naturel. Pour ce faire, le riche entrepreneur a concocté un Plan Marshall pour le Mali de plus de 15.000 milliards de FCFA. Il s’agira de construire les infrastructures essentielles au développement socio-économique. Ce sont notamment les ponts, les routes, les universités, écoles, hôpitaux, centrales électriques et usines. Au niveau de l’électricité, il envisage étendre son expérience de Bourakébougou avec Hydroma dans tout le pays. Cela permettra de lancer véritablement l’industrialisation du Mali et le transport durable avec du carburant vert.
Pour l’emploi précisément, Aliou Diallo a prévu de financer abondamment l’entrepreneuriat, seule solution au problème du chômage à ses yeux. Il table sur la création de dizaines de milliers de PME pour l’émergence de milliers de champions nationaux. Par ailleurs, le milliardaire malien étudie la question sécuritaire. Il estime que son pays doit enfin assumer pleinement la défense de son territoire et son indépendance, au lieu de mendier sans cesse l’aide internationale. En effet, Bamako voudrait maintenant obtenir la protection de la Russie après l’annonce du désengagement progressif des forces françaises. « Au lieu de gémir sur la situation, ou de nous en indigner, essayons au contraire d’en tirer profit pour renforcer nos capacités militaires et notre situation stratégique », a-t-il déclaré.
Du pragmatisme, pas de l’utopie
Aliou Diallo invite d’emblée à nouer des alliances et des partenariats avec d’autres puissances comme les Etats Unis, la Chine, la Russie et la Turquie. Cette collaboration devrait être axée sur « la formation, la fourniture d’équipements, le renseignement… le tout, pour la première fois, sous entière souveraineté malienne », recommande le président de la fondation Maliba. Il faudra aussi former proprement les soldats maliens dans leur pays afin d’ancrer le patriotisme en eux. Sur ce point aussi, la junte au pouvoir a pris conscience car elle a annoncé en septembre dernier l’ouverture prochaine d’une école de guerre sur son sol. D’après l’agence Ecofin, cette structure assurera une « formation de haut niveau aux officiers supérieurs de la chaîne de commandement » et permettra aux FAMA de se doter d’un « outil efficace de réflexion, de recherche et d’analyse des questions stratégiques ».
Si ce Plan Marshall se veut concret, il est attaqué de toute part par les adversaires d’Aliou Diallo. On considère qu’il est irréaliste au regard du contexte socio-économique actuel du Mali. Mais, son auteur n’en démord pas. « N’en déplaise à ceux qui n’osent jamais rien, mon projet n’est pas utopique. Tous ceux qui me connaissent savent que je suis un pragmatique. Ma priorité est de préparer la paix et la prospérité du pays dès le premier jour de mon mandat », a répondu le leader d’ADP-Maliba, que certains sondages considèrent comme le favori de la présidentielle malienne. Aux mauvaises langues, Aliou Diallo oppose ses réussites insolentes avec Hydroma et ses réalisations concrètes avec sa fondation Maliba. Il promet d’ailleurs de détailler « dans les semaines à venir les grands axes de cet ambitieux plan Marshall, point de départ du renouveau malien ».