Le spectre d’une vaccination obligatoire pour tout le monde, en France, n’en finit pas de perturber les « antivax », qui voient du complot partout, dans les travées institutionnelles aussi bien que dans les centres de vaccination. L’antivaccinisme trouve ici un nouveau cheval de bataille et permet des récupérations politiques en tout genre.
Les réactions n’ont pas tardé à arriver. Alors même que le président français, Emmanuel Macron, poursuivait son discours, lundi 12 juillet, la simple évocation d’une vaccination obligatoire, pour les soignants, et d’un pass sanitaire étendu, en France, a provoqué l’ire de milliers d’internautes, qui se sont empressés de tapoter sur leur écran tactile leur incompréhension, au mieux, leur mécontentement, au pire, face à des décisions présidentielles qu’ils n’ont que peu goûtées.
« L’internationale antivax est comme un poisson dans l’eau avec les réseaux sociaux »
Rapidement, Twitter, puis les sites d’information se sont fait l’écho de témoignages – certains anciens, d’autres actuels – de personnes farouchement opposées à la vaccination – a fortiori quand elle est rendue obligatoire. La raison ? Justement, il n’y en a pas, de raison : bien souvent, les discours dénués de rationalité sont remontés à la surface, certains Français n’hésitant pas à convoquer la traditionnelle défiance à l’égard des institutions et de l’État pour critiquer la piqûre, accusée de tous les maux.
De quoi nous replonger quelques années auparavant, entre 2017 et 2018, lorsque les cas de rougeole, au niveau mondial, avaient quasiment doublé, entraînant l’inquiétude des organisations internationales (OMS en tête) et le scepticisme d’une partie de la population, quant au vaccin pour faire face à l’épidémie. A l’époque, tous les pays dits « développés » avaient beau assurer qu’il était « sûr, efficace et peu coûteux », ce traitement, selon les «antivax», n’était bon qu’à provoquer l’autisme chez ceux et celles qui le prendraient.
Aujourd’hui, les contempteurs du vaccin pour lutter contre le Covid-19 ne font pas que convoquer la 5G – prétendument administrée dans l’organisme – pour s’opposer à la vaccination. « Les deux thèmes dominants sont politique – le combat contre ‘‘Big Brother’’ – et économique – le combat contre ‘‘Big Pharma’’. Quoique anciens, ils obsèdent l’antivaccinisme moderne », estimait dès juin 2020 Laurent-Henri Vignaud, historien des sciences à l’Université de Bourgogne, selon qui « l’internationale antivax est comme un poisson dans l’eau avec les réseaux sociaux ».
Récupérations politiques de tout bord
Ou comme un poison ? C’est en tout cas ce que semble penser Irène Frachon, la pneumologue et lanceuse d’alerte à l’origine du scandale du Mediator, il y a 10 ans en France. Dans un entretien récent à France 3, elle revenait sur la « récupération du scandale du Mediator pour dénoncer un soi-disant scandale des vaccins contre [le] Covid ». « Comme si ça cautionnait des discours antivax », regrette-t-elle, « choquée » par cette récupération politique mettant sur le même pied de dangerosité le Mediator (près de 2 000 décès) et le vaccin anti-Covid, dont elle est « absolument convaincue de l’efficacité ».
Les exemples de récupérations sont légion. Et certains plus farfelus que d’autres. Bénéficiaire du droit d’asile et résident français, l’homme d’affaires kazakh Moukhtar Abliazov s’est essayé à une manœuvre politique d’un genre nouveau. Rattrapé par la justice internationale – il est poursuivi par des juridictions britannique, française, américaine, ukrainienne etc. – pour des malversations financières qui auraient fait perdre à des banques kazakhes quatre milliards de dollars, Moukhtar Abliazov appellerait désormais à des émeutes au Kazakhstan, en cherchant à mobiliser les opposants à la vaccination contre le Covid-19. Le pays venant de rendre obligatoire la vaccination aux salariés ayant des interactions sociales. Problème : compte-tenu du contexte sanitaire au Kazakhstan, les rassemblements n’y sont pas autorisés… Des blogueurs influents du pays s’étonnent de cette récupération politique.
Une récupération aussi scabreuse sur le fond que sur la forme, puisque les anciens collaborateurs de Moukhtar Abliazov l’assurent : l’homme d’affaires « n’a jamais eu l’intention de renverser le régime. Toute son action n’est qu’une posture consistant à se ménager un terrain de négociation avec le pouvoir ». Qu’importe, le mal est fait. En détournant de ses objectifs la stratégie vaccinale, ces « récupérateurs » « sans vergogne », pour reprendre les termes d’Irène Frachon, ne font que braquer les projecteurs sur leurs petits intérêts, au détriment d’un autre, plus général. Pour lequel, paradoxalement, ils affirment œuvrer…