Parce qu’ils représentent des aliments riches en protéines, lipides et sels minéraux, et parfois aussi pour leurs qualités gustatives, les insectes ont de tout temps été consommés par l’Homme même s’il ne s’agit pas là d’un comportement universel (l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine sont aujourd’hui encore les principaux consommateurs). Plus récemment, d’un point de vue économique, leur taux de conversion alimentaire (Feed Conversion Ration en anglais ou FCR) a amené le milieu industriel à les considérer comme une alternative efficace à l’élevage classique pour la production de protéines. Par ailleurs, et sans parler de consommation humaine, à production protéique identique, l’endomoculture (ou « entomoculture », élevage d’insectes) produit moins de gaz à effet de serre que les cultures animales classiques (bovins, porcins et autres). À notre époque de transition écologique il s’agit là d’un argument de poids.
L’élevage d’insectes avec des solutions modernes
L’entomoculture trouve déjà aujourd’hui de nombreuses applications : productions de nourriture à destination de l’aquaculture (et plus généralement nutrition animale) et production d’engrais notamment. Certains voient même plus loin et l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a par exemple récemment (janvier 2021) rendu un avis positif sur l’utilisation du ver de farine pour l’alimentation humaine. Bien sûr ce ne sont là que les prémices, la route est encore longue, mais quoi qu’il en soit, la voie est désormais ouverte vers une utilisation à grande échelle des insectes comme source de nourriture.
Déjà en pleine expansion, l’entomoculture va donc connaitre ces prochaines années un développement exponentiel. Mais, pour assurer cette croissance et relever ce défi, la filière de l’élevage d’insectes va devoir se doter de sites de production modernes et automatisés. C’est ainsi que cette filière accueille des solutions high-tech comme l’utilisation de l’intelligence artificielle pour une gestion efficace de la production.
Un marché en pleine expansion
Au niveau européen, le constat est relativement simple du point de vue de la balance protéique : en 2017, il était estimé que l’Europe importait plus de 50% de ses besoins en farine de poisson et soja. Pour lutter contre cette tendance commerciale déficitaire, la Commission européenne a donc autorisé dès 2017 l‘utilisation d’insectes pour la production de pet food et de nourriture pour l’aquaculture.
Il était temps, puisqu’en vingt ans le prix de la farine de poisson a plus que triplé ! Et les investisseurs ont bien senti le vent tourner en commençant à injecter dans le secteur de l’élevage d’insectes des sommes colossales. En 2019, les cinq principales start-up mondiales du domaine ont levé près de 500 millions de dollars et Barclays estime que le marché de l’entomoculture pèsera 8 milliards de dollars d’ici 2030.
D’autres analystes financiers avancent pour leur part des chiffres vertigineux quant à la production d’insectes comestibles. Par exemple, ils tablent d’ici 2023 sur une augmentation de 300% par rapport à 2018, soit un marché européen de 260 millions de dollars. Au même horizon, les estimations pour le marché mondial dépassent le milliard de dollars, avec notamment 50% pour la seule zone Asie Pacifique.
Elevage d’insectes : une industrialisation obligatoire pour assurer la croissance
Il n’y a pas aujourd’hui de production industrielle sans capteurs et retransmission de leurs signaux à une unité centralisée permettant de visualiser en temps réel les paramètres mesurés et une réaction de l’opérateur si nécessaire. C’est la notion de SCADA (« Supervisory Control And Data Acquisition », ou « système de contrôle et d’acquisition de données ») partagée aujourd’hui par tous les secteurs industriels. En utilisant des SCADA, les opérateurs industriels contrôlent leur process et interagissent avec les équipements (pompes, vannes, équipements de régulation thermique…) depuis un emplacement central.
Si l’entomoculture veut effectivement concrétiser le bel avenir qui lui est promis, les acteurs du secteur, et notamment les producteurs, vont devoir s’en donner les moyens. La mise en place et l’utilisation d’un SCADA adapté dans une exploitation font partie intégrante de cette évolution nécessaire. Selon les insectes élevés, la gamme des paramètres à mesurer, suivre, et éventuellement corriger, pour sécuriser le rendement de production peut connaitre de légères variations. Néanmoins, certains paramètres sont universels. Par exemple, le suivi de croissance automatique des larves ou des formes juvéniles, le comptage, la mesure et le contrôle des variables environnementales (température par exemple) font partie des paramètres invariants.
L’intelligence artificielle est la solution qui permet de développer la compétitivité d’un élevage d’insectes par automatisation du système de production. Certaines solutions logicielles dédiées aux élevages d’insectes permettent aujourd’hui de sécuriser la surveillance des unités de production et d’effectuer des analyses sans en interrompre le process. Bien sûr, de tels outils informatiques doivent bénéficier d’une technologie suffisamment robuste pour pouvoir s’adapter aux contraintes des bâtiments et usines d’élevage d’insectes. En parallèle, ces systèmes doivent être fiables et présenter une marge d’erreur suffisamment faible pour être acceptable.
C’est donc en faisant appel aux atouts de l’IA que l’entomoculture sera à même de relever les défis économiques mondiaux qui l’attendent dans les prochaines années. Il n’y aura pas de croissance sans une industrialisation et une digitalisation intense et soutenue du secteur. Les éleveurs d’insectes devront transformer leurs moyens de production et les solutions numériques aujourd’hui à leur disposition sont là pour les aider à réussir cette bascule.
Outre les avantages immédiats que présente l’installation d’un SCADA (surveillance en temps réel et réaction si nécessaire) grâce à l’intelligence artificielle, elle permet aussi un management de la performance plus efficace. En effet, la collecte des données et leur archivage par l’IA permettent de les traiter et de les analyser ultérieurement. Or, le traitement des données de production est aujourd’hui l’une des clés de la performance d’une organisation. L’analyse des données recueillies permet la mise en place d’indicateurs de la performance (« Key Performance Indicators » en anglais, ou « KPI »). Et le suivi régulier de ces indicateurs débouche naturellement sur la mise en place de plans d’action destinés à accroitre la performance d’un site de production et donc son rendement économique.