L’addictologue allemand Heino Stöver a annoncé dans une interview, que les cigarettes étaient amenées à disparaitre dans les 12 prochaines années. Il considère que les produits de substitution remplaceront peu à peu les cigarettes, et que les politiques de santé publique devraient accompagner ce changement.
« La cigarette est un modèle dépassé. Elle n’a plus aucune base légitime. Il s’agit désormais uniquement d’un produit nocif. Voilà le consensus, sur lequel nous ne reviendrons pas. »
Le chercheur en addictologie de l’Université des sciences appliquées de Francfort est donc optimiste, quant à l’évolution d’une société sans cigarette. Pour autant, Heino Stöver se veut critique face au manque de remise en question de nombreuses politiques de santé publique contre le tabac, en particulier en l’Allemagne.
Selon lui, les pouvoirs publics devraient accompagner la transition d’un modèle de consommation de cigarette vers des produits moins nocifs, au lieu de se limiter à des politiques intransigeantes « zéro tabac ». Une implication des politiques de santé publique permettrait, selon lui, d’accélérer le processus et de sauver des millions de vies. Pour expliquer sa position, il s‘appuie notamment sur les chiffres du modèle anglais :
« L’Angleterre est un bon indicateur ici : sur la carte européenne de la tabacologie, l’Allemagne est à la 33e place sur 34 pays, alors que l’Angleterre se situe en première position. Ils sont parvenus à réduire la proportion de fumeurs dans la population à 17 %, à travers un paquet de mesures : politique tarifaire, politique de taxes, politique d’accessibilité, promotion de la e-cigarette. En Allemagne, ce chiffre est de 27 %. »
Dans la lignée des résultats positifs de la Grande-Bretagne en termes de lutte contre le tabac ces dernières années, les études menées par les scientifiques britanniques indiquent très clairement que les substituts comme les cigarettes électroniques, sont moins toxiques (95 %) que la cigarette, dont les principaux actifs dangereux proviennent de sa combustion.
Mi-décembre, l’organisme britannique de conseil pour l’agence sanitaire nationale, le Committee on Toxicity (CoT) a également rendu un rapport après avoir été missionné afin d’évaluer « le risque toxicologique des nouveaux produits de tabac à chauffer ». Sans ambiguïté, les experts ont conclu que « ces produits [IQOS et IFUSE] pouvaient représenter une réduction de la nocivité pour les personnes qui, autrement, fumeraient des cigarettes. »
De quoi conforter Heino Stöver dans son idée que l’Allemagne devrait s’inspirer du modèle anglais en la matière :
« Toutes les alternatives à la combustion de cigarette devraient être considérées comme utiles. Il est aujourd’hui important d’informer aussi bien le consommateur qui souhaite passer à un autre mode de consommation de nicotine, qu’à celui qui souhaite arrêter complètement. Cet aspect manque totalement en Allemagne. En revanche, le ministère anglais de la Santé publique affirme que la e-cigarette est 95 % moins nocive que la combustion de cigarette. Cela offre une orientation claire aux populations, mais nos agences n’ont pas le cran. La conséquence est que 60 % des Allemands considèrent que la e-cigarette est tout aussi nocive que les cigarettes classiques. On perd ici des opportunités que l’on ne peut pas se permettre de rater. »
La position de Heino Stöver n’est pas isolée au sein de la communauté scientifique, qui milite de plus en plus en faveur de politiques dites de réduction des risques. En Allemagne, surtout, où les politiques de santé publiques sont particulièrement figées, les spécialistes expriment leur désaccord. Mi-décembre, l’organisme allemand responsable de la sécurité sanitaire, le BfR affichait sur le tabac à chauffer une position qui rejoignait celle du CoT. « Il est probable qu’une réduction significative de la production de substances suspectées de nocivité sera associée à des risques sanitaires inférieurs à ceux de la cigarette traditionnelle », expliquait le rapport, avant de préciser que ces produits restent dangereux et rappelant qu’il est mieux d’arrêter totalement sa consommation.
Le docteur Ute Mons, responsable de l’unité de prévention contre le cancer, à l’institut allemand de recherche contre le cancer d’Heidelberg, affirme également dans Die Debatte, que « le processus de combustion génère des milliers de substances, dont plusieurs centaines sont considérées comme toxiques, ou même cancérigènes. Ce potentiel de dégâts n’est pas présent dans les cigarettes électroniques. »
Pour tous ces professionnels de la prévention contre le cancer, les dégâts causés par la cigarette sur la population mondiale (environ 7 millions de mort par an, selon les données de l’OMS) justifient la mise en avant des produits de substitution, malgré les risques et leur toxicité.