Menacée par les pollutions humaines et les prédateurs, l’abeille, élément incontournable de la biodiversité, est en danger. Face aux baisses de population, l’apiculture Bio se développe et pourrait bien être la solution…
Sans abeilles, il n’y aurait pas grand chose sur les étalages de fruits et légumes de vos supermarchés. Pourtant, de nombreuses menaces remettent en question la survie des abeilles dans nos eco-systèmes. Les pesticides sont la première cause de mortalité des abeilles suivie par le frelon asiatique venu de Chine et du nord de l’Inde qui décime les colonies et qui a été introduit par l’homme en France et en Espagne dans le début des années 2000.
Face à ces menaces, la résistance s’organise. Greenpeace avait notamment publié une vidéo en 2014 pour sensibiliser l’opinion publique sur ce phénomène. Aujourd’hui pourtant, de la même façon que pour l’agriculture, les abeilles sont génétiquement modifiées, renforcées à grands coups de produits chimiques et nourries avec des substituts alimentaires pour assurer une production de miel intensive.
Pour y voir plus clair, nous avons fait appel à trois Apiculteurs Bio pour mieux comprendre les enjeux et les problèmes qu’ils rencontrent par rapport aux apiculteurs « traditionnels » avec Caroline Davelu, apicultrice dans les Pyrénées, Olivier Belval, apiculteur en Ardèche et Jerôme Sarre, apiculteur dans l’Aude.
C’est au cœur de l’Afrique, où j’ai travaillé plus de 10 ans auprès des pygmées, que j’ai découvert le lien qui unit depuis toujours les Hommes et les abeilles. J’ai tout de suite été fascinée par ce petit insecte et par ce que l’apiculture pouvait apporter, notamment aux populations les plus vulnérables à travers le monde. L’apiculture est un savoir faire presque universel que j’ai voulu apprendre à mon tour: j’ai créé mon rucher et fait mes premiers pas d’apicultrice il y a 5 ans, dans les Pyrénées Ariégeoises.
Se rendre sur son site web: Terr’Apis
Je travaille aujourd’hui avec une petite centaine de ruches, ce qui est très peu pour un professionnel. Je produis des miels de crus (acacia, châtaignier, rhododendron) et de terroir (fleurs sauvages de printemps ou de montagne). Je récolte également de la propolis et du pollen.
Soucieuse du bien être de mes abeilles, de leur environnement et de la qualité de ma production, j’ai souscrit à un label biologique dés le début de mon activité; ce label implique principalement de choisir des espaces de butinage hors des zones de pollution (grandes cultures…) et de pas traiter les abeilles avec des produits chimiques (acaricides…. comme c’est le cas en apiculture conventionnelle).
Etes-vous sensible à la baisse de population chez les abeilles? Cela vous a-t-il personnellement impacté et comment voyez-vous l’avenir de votre profession?
Durant l’hiver qui a suivi mon installation 5000 ruches sont mortes dans les Pyrénées, intoxiquées certainement par des produits vétérinaires utilisés pour le déparasitage des animaux d’élevage, que l’on retrouve dans les flaques d’eau et les lisiers et dont s’abreuvent les abeilles, notamment en haute montagne dans les estives… dernier sanctuaire pourtant, dans l’imaginaire collectif, d’une nature pure et préservée!
Pour ma part, j’ai perdu cette année là 70% de mes colonies. Cela a été un drame bien sûr, pour moi comme pour tous les apiculteurs touchés. L’hiver suivant, le Varroa destructor, redoutable parasite des abeilles a, à son tour, décimé plus de la moitié de mes ruches. À ce stade une décision s’imposait: soit arrêter là l’aventure apicole, soit chercher des solutions. Certes les abeilles sont confrontées à d’innombrables fléaux qui causent leur disparition à travers le monde: pollution, parasites, maladies, prédateurs… mais il me semblait qu’il y avait une chose qu’à mon niveau je pouvais améliorer: c’était ma pratique de l’apiculture telle que je l’avais apprise auprès de professionnels et que je trouvais trop interventionniste et stressante pour les abeilles.
En effet, en moins d’un siècle, l’apiculture moderne a bouleversé le mode de vie que menaient les abeilles depuis près de 100 millions d’années. Aujourd’hui soumises aux lois du productivisme, les abeilles se doivent d’être rentables et les colonies sont optimisées à grand renfort d’hybridation, de sélection, d’insémination artificielle, d’élevage intensif…. y compris en Bio!
Je crois que les abeilles n’en peuvent plus… elles font elles aussi un « burn out »!
Avez-vous pris des mesures pour protéger vos ruches de menaces extérieures et si oui, lesquelles?
Je ne prétends pas détenir « la » solution contre l’extinction des abeilles: ce serait très prétentieux face à un problème dont les enjeux sont planétaires. Cependant je suis persuadée qu’il est temps de retrouver le bon sens, tout simplement d’une collaboration vraie, juste et équilibrée entre les abeilles et nous,.
J’ai choisi de travailler aux cotés de l’abeille native européenne : l’abeille noire. Je leur laisse le temps de bâtir elles mêmes leurs rayons de cire, d’élever et de voir naître leurs reines dans l’intimité de la ruche, d’essaimer quand le moment leur semble venu….
J’avance au rythme de la nature et des abeilles sur la voie d’une apiculture respectueuse, responsable et paysanne. Je pense sincèrement qu’il ne peut y avoir un autre avenir pour l’apiculture, pour les abeilles et pour l’humanité!
Olivier Belval, apiculteur en Ardèche, vit en harmonie avec 450 ruches dont il prend soin avec son beau-frère et associé. L’apiculture a débuté à Sallefermouse en 1973 avec Maurice Belval un pionnier de l’apiculture biologique. Il a su transmettre à la génération suivante, au delà de sa connaissance du terroir, l’amour du travail bien fait, une éthique, des valeurs. Pour le GAEC Belval-Teissier, l’écologie est un mode de vie simple allié au naturel de l’économie circulaire.
Se rendre sur leur site web: Miellerie de Sallefermouze
Le GAEC Belval-Teissier produit 14 miels différents dans un rayon de moins de 50 Km autour de la miellerie de Sallefermouze. Certains miels sont produits sur des ruchers sédentaires tel le miel du Pays Camisard, produit sur des ruchers perchés sur les pentes Cévenoles. D’autres sont issus de la transhumance comme le miel de Lavandes produit sur la partie provençale du sud de l’Ardèche au nord du Gard. À quelques kilomètres de là, la corniche des Cévennes Ardéchoise permet de produire la bruyère, le sapin, la callune, et bien évidemment le miel de montagne.
Les ruches hivernent pour la plupart en garrigue dans et autour du célèbre bois de Païolive. C’es là que les abeilles produisent au printemps du miel de Thym, ou de garrigues. Les affluents de la rivière Ardèche donnent une année sur quatre en moyenne du miel d’acacia, sinon, ce miel trop teinté prendra le nom de miel de maquis. Mais la production principale reste tous les ans le miel de châtaignier, entre les floraisons précoces du piémont et les tardifs des pentes ardéchoises, ce miel représente à lui seul près du tiers des récoltes. Notre production moyenne est de 9 kg à la ruche ce qui reste très faible au regard des apiculteurs en conventionnel transhumant sur les zones de grandes cultures (colza-tournesol…).
Etes-vous sensible à la baisse de population chez les abeilles? Cela vous a-t-il personnellement impacté et comment voyez-vous l’avenir de votre profession?
Nous tenons un registre d’élevage très précis : notre unité de suivi étant la ruche là où la réglementation n’impose que le suivi au niveau du rucher. Ce travail minutieux nous permet de connaitre avec précision l’état sanitaire de nos colonies.
La cause principale de mortalité pour nous est directement liée au Varroa Destructor, un acarien présent en France depuis les années 80. Aujourd’hui dans toutes les colonies, il y a des niveaux d’infestation variables, mais aucune n’en est complètement exempte. Nous luttons conformément au label bio sans faire appel aux molécules de synthèse utilisées par l’immense majorité des apiculteurs en conventionnel. Du temps de Maurice Belval, avant l’arrivée du Varroa Destructor, la mortalité moyenne était de 5% par an. Après les années 80, cette mortalité a doublé pour atteindre 10%. Aujourd’hui, notre mortalité moyenne varie entre 15 et 17 % par an. C’est beaucoup, mais nous ne nous plaignons pas quand la mortalité moyenne en France est proche de 30 % par an.
En parallèle la production ne cesse de baisser, en particulier sur les zones de grandes cultures à cause des pesticides néonicotinoïdes dont l’usage ne cesse d’augmenter malgré leur interdiction au niveau européen. L’arrivée l’année dernière dans le sud de l’Italie d’un nouveau prédateur de la ruche (le petit coléoptère Aetina Tumida) est un sujet de grande inquiétude car s’il était introduit en France, ça déclencherait la destruction totale des ruchers avec un traitement chimique obligatoire. En 2016, alors que le frelon asiatique est déjà présent sur le sud de l’Ardèche depuis 6 ans maintenant, nous subissons pour la première fois une très forte prédation du frelon asiatique. Les ruches les plus faibles se sont littéralement faites massacrer par ce prédateur violent.
Avez-vous pris des mesures pour protéger vos ruches de menaces extérieures et si oui, lesquelles?
Pour protéger nos ruches contre le frelon asiatique, nous avons placé des grilles réduites devant l’entrée de ruche pour éviter qu’il ne rentre capturer des abeilles ou voler du miel. Cet automne, nous avons installé entre 1 et 5 pièges par rucher. Ces pièges sont parfois pleins de Vespa Velutina en une journée seulement. Le piégeage de printemps est encore le plus efficace car c’est entre février et mai que seules les fondatrices (reines) volent. Pour chaque fondatrice piégée c’est un nid en moins au cours de la saison donc des milliers de frelons en moins et des dizaines de milliers d’insectes de toutes espèces sauvés. Bien évidemment la recherche des nids reste une priorité surtout en fin d’été. Les chasseurs, randonneurs, pêcheurs et autres querelleurs de champignons sont souvent des alliés précieux pour trouver les nids dans une végétation très dense. Sur notre secteur, les pompiers détruisent gratuitement les nids signalés après validation par un réseau de référents frelon bénévoles.
Etant en agriculture biologique, le fléau principal des abeilles n’a que très peu d’impact sur nos abeilles. En effet, nous sommes tenus de vérifier que dans un rayon de 3 km, toutes les cultures mellifères soient conformes au label bio. Quand il arrive, et c’est le cas pour le miel de lavandes que toutes les parcelles ne sont pas en bio, nous devons faire analyser notre miel à la recherche de 400 molécules chimiques. Pour être certifié bio, nous devons être en dessous du seuil de détection sur l’ensemble des pesticides recherchés. Par ailleurs, les cires d’abeilles sont très souvent contaminées par des polluants environnementaux. Nous n’utilisons que des cires produites dans l’année par nos abeilles. L’ensemble des produits que nous donnons à nos abeilles sont issus de l’agriculture biologique, ça évite la possible présence de pesticides ou d’OGM dans leur alimentation.
L’apiculture est une passion, un mode de vie sans pareille. La vie est dure pour nos abeilles, consommer bio et local c’est aussi contribuer à les protéger. Ensemble, changeons.
Après des essais d’études diverses ( U.E.R d’environnement à Paris-Jussieu, Architecture à Montpellier) j’ai effectué un « retour à la terre » prés de Montpellier où mon grand-père avait eu quelques ruches, puis à la limite de l’Aude et de l’Ariège. Bientôt 40 ans maintenant que je suis apiculteur, en bio, et j’espère transmettre cela à quelqu’un qui y mettra autant d’amour.
Se rendre sur sa boutique en ligne: La Miellerie du Bousquet
Dés le début j’ai aimé les abeilles bien que les premières années étaient un peu « piquantes » et que mes visites se terminaient souvent dans les buissons (pour me cacher des quelques abeilles en colère contre moi, parce que je m’y prenais mal !) Très vite j’ai découvert l’extraordinaire richesse mellifère de la région : des Corbières aux forêts Ariégeoises, puis aux Pyrénées, et l’intérêt de mettre en valeur ces miels de crus : Romarin, Garrigue, puis Acacia, Châtaignier, puis Montagne, Tilleul, Sapin, Rhododendron, Callune,…etc. De vieux apiculteurs (à l’époque) tels que Henri-Jean Poudoux ou Régis Raynaud m’ont aidé dans la recherche des meilleurs emplacements possible pour ces miellées. Mais les récoltes y sont irrégulières d’une année à l’autre (de nulles à 20 kgs ou plus par ruches).
J’ai eu jusqu’à 300 ruches en production (et produit jusqu’à 12 tonnes de miel annuellement), puis je suis redescendu à 200 ruches (avec des récoltes de 1,5 à 3 ou 4 tonnes).
Etes-vous sensible à la baisse de population chez les abeilles et comment voyez-vous l’avenir de votre profession?
Oui, j’observe une baisse de population chez les abeilles, mais aussi une plus grande fragilité, une diminution de leur longévité (des abeilles, de leur reine, et de toute la colonie), et enfin une fragilité croissante des miellées (encore plus irrégulières qu’avant, avec des quantités moindres). Il y a beaucoup de raisons à cela, principalement environnementales (pesticides en tout genre, changement climatique,..etc). L’avenir est donc incertain, mais on pourrait assez vite réduire les pesticides si on s’en donnait la peine et les moyens.
Heureusement l’abeille est restée ou redevient importante dans le cœur de plus en plus de gens, en France comme ailleurs. Le fait d’être en bio aide aussi : zones de butinage moins atteintes, nourriture bio quand nécessaire et médicaments (tel que huiles essentielles) plus sains pour les abeilles. Par contre le changement climatique nous touche véritablement et de plus en plus. Enfin, l’apiculture devenant de plus en plus complexe, il faut souhaiter que toutes les personnes concernées travaillent en bonne entente (sans luttes stériles et suicidaires…).
Avez-vous pris des mesures pour protéger vos ruches de menaces extérieures et si oui, lesquelles?
Oui :
– au niveau de mes ruchers : bien sûr continuer en « bio », favoriser une flore mellifère (des petites fleurs aux grands arbres), faire des abreuvoirs pour abeilles dans les endroits sensibles à la sécheresse (les abeilles pouvant aller à plusieurs km et dans des endroits risquant d’être pollués pour ramener de l’eau à la ruche), combattre les frelons asiatiques…etc.
– au niveau de mon exploitation: aller moins loin (pour mieux suivre mes abeilles), m’adapter à de moindres récoltes, en développant une vente directe de ces miels rares et chers par notre boutique en ligne.
– au niveau de ma commune, de mon canton, de ma région de mon pays : participer à tout ce qui peut aider nos abeilles, et voter dans ce sens aussi.
Merci à nos apiculteurs bio pour ces interviews sur leur passion commune qu’est l’apiculture
Comme le soulignent ces apiculteurs, il est important de se rendre compte de l’impact de l’Homme sur notre environnement et à quel point nous sommes responsables, même à notre niveau personnel, de l’évolution de notre environnement.
L’exemple des abeilles illustre bien à quel point il est vital de réfléchir et de s’organiser pour mieux consommer tout en respectant notre eco-système. Alors si vous êtes amené à acheter du miel, choisissez du miel Bio (sans pesticides et possédant de véritables propriétés curatives pour votre corps contrairement au miel industriel).
Bonjour
Je suis assez choqué par votre article:
Le bio d’accord, mais ce n’est pas non plus la solution unique !!!
L’apiculture naturelle va au-delà en commençant par respecter la nature ce que ne fait pas forcément le bio.
Il suffit pour cela de voir avec quel type d’abeilles travaillent les « bio »
respecter la nature, c’est aussi respecter les écosystèmes, les races (variétés) dans leur milieu naturel.
Or dans votre article « 6 choses à savoir avant d’installer une ruche » je note une chose qui me fait bondir car elle ne respecte pas la nature mais l’intérêt de l’homme avant celui de la nature.
Vous ne faites que reprendre des propos circulant sur le net qui émanent de personnes qui ne justifient leur « race » d’abeilles qu’en pointant du doigt l’abeille noire comme une abeille agressive.
L’abeille noire fait partie comme toutes les races pures d’abeilles extrêmement douces. Ce qui fait l’agressivité, ce sont justement les croisements avec des abeilles non endémiques. Or à qui la faute si les nouveaux apiculteurs tout comme une bonne majorité d’apiculteurs du dimanche continuent à ne pas être sensibilisé à ce respect basique ? Alors bien sûr, on peut pointer les pesticides, le frelon asiatique et le varroa comme tout le reste, mais est-ce sensé ?
En recourant aux abeilles que vous préconisez, vous ne respectez pas la nature: vous utilisez ou exploitez ses ressources en favorisant les importations d’abeilles. alors à quoi conclure un article en laissant sous entendre qu’il n’y ait que le bio pour solution ?
Quand vous parlez de l’abeille en danger de disparition, il faudrait ajouter « l’abeille noire, en voie d’extinction » à cause des pratiques d’acclimatation, d’importation et d’exploitation d’autres variétés d’abeilles. A quand l’abeille mellipone dans les exploitations françaises parce qu’elle n’a pas de dard du tout ?
Désolé de ce coup de gueule mais il y en a un peu marre de voire s’écrire tout et n’importe quoi sur le dos de l’écologie alors qu’on devrait commencer par respecter davantage les bases
Bonjour Bernard
L’agriculture bio c’est la famine généralisée sur la planète.
L’agriculture bio peut se concevoir sur des terrains dédiés (et encore à voir).
Mais le miel bio c’est une belle arnaque, cela ne peut pas exister 3000 ha sans culture utilisant des produits chimiques et sans les plus gros utilisateurs de produits chimiques que sont les particuliers
Bonjour Ceyral,
Je ne pense pas que l’agriculture bio soit « la famine généralisée »…C’est souvent l’argument de ceux qui ne regardent pas les chiffres. Il y a bien assez de ressources et espaces pour produire efficacement même en Bio. Bio ne veut pas dire forcément des rendements 10 fois inférieurs même si c’est vrai qu’ils sont plus faibles.
Pour ce qui est du miel, c’est pareil, Bio ne veut pas dire qu’il n’y a aucune pollution nul part, il s’agit juste de respecter le produit (le miel industriel est maltraité et perd souvent ses qualités pour la santé lors des processus industriels), et également de respecter des seuils au niveau des pesticides. Il est évident que c’est difficile de faire du miel Bio car de nombreuses zones sont souvent très contaminées mais ce n’est pas impossible loin de là.